Equipements à Partager
Louer différemment
Ouverte fin janvier dernier, la plate-forme Equipements à Partager de mise en relation entre entreprises, les unes propriétaires de matériels sous-utilisés, les autres à la recherche de machines à louer, fait partie des nouvelles solutions de location proposées au monde du BTP. Une offre supplémentaire dans cet univers dynamique de l’économie collaborative.
Avec l’évolution des outils informatiques, des prestations que l’on n’imaginait pas quelques années en arrière émergent par leur évidence car elles deviennent tout d’un coup parfaitement réalisables, notamment dans le domaine des services où les réseaux permettent de rapprocher d’une façon encore jamais vue les fournisseurs de prestations et leurs clients. Il en est ainsi du secteur de la location qui a historiquement grandi dans une logique d’achats de machines destinées à être louées et voit aujourd’hui apparaître une concurrence fondée sur le principe du partage ; contre rémunération, des entreprises mettent à disposition d’autres entreprises leur matériels momentanément inutilisés. Plusieurs start-up se sont lancées sur ce créneau dont Equipements à Partager créée par Kevin Legault, un jeune entrepreneur détenteur d’un master en management entrepreneurial de l’IAE d’Amiens.
Une idée d’entreprise
Lors de son cursus étudiant, Kevin Legault a été confronté à la création d’entreprise et a travaillé sur des stratégies commerciales, des projets fictifs sans matérialisation effective. Et finalement, appartenant à une famille d’entrepreneurs avec des parents agriculteurs et un frère aîné chef d’entreprise dans le BTP, la question s’est posée : Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout sur un projet intéressant et excitant ?
De son environnement familial est arrivé le premier embryon d’idée à exploiter dans le cadre d’une société commerciale, avec le constat établi avec son frère de l’utilisation irrégulière des engins de TP qui pouvaient fonctionner de façon intensive comme de manière épisodique et rester au garage pendant les deux tiers d’une année.
Cette immobilisation a un coût avec le remboursement du crédit souscrit lors de l’achat, les dépenses d’entretien et de maintenance, le montant de l’assurance, le stockage avec son local, etc. Toutes ces sommes cumulées peuvent représenter plusieurs milliers d’euros selon le matériel et une façon intelligente de réduire cette charge serait de mettre son matériel en location auprès d’une entreprise proche qui en aurait besoin ponctuellement. Nous sommes en juin 2015.
Les premiers pas
Après une première étude de marché qui a mis en lumière l’avenir prometteur de la location, l’idée de créer une plate-forme de location de matériels de BTP avec ou sans opérateur a été validée. Le projet était de fédérer des entreprises pour localiser leurs machines, connaître leurs caractéristiques, savoir quand et où elles sont disponibles et à quel prix. La clientèle serait strictement professionnelle, avec d’un côté des entreprises du BTP détenteurs de machines sous-utilisées, voire des loueurs de métier, et de l’autre comme clients des TPE et PME de la construction et des travaux publics ayant le besoin spécifique d’un matériel suite à un surcroît d’activité, une panne sur un engin… Les équipements loués iraient de la machine portable d’une valeur minimum de 1 000 euros jusqu’au camion-benne.
Avec l’aide de la CCI d’Amiens qui offre un accompagnement mensuel, apporte son concours pour l’établissement du business plan et de prévisionnels nécessaires à l’ouverture d’un plan de financement, le jeune entrepreneur travaille à plein temps sur son projet et finalement crée en avril 2016 la structure juridique de son entreprise. Le financement de son activité est assuré par des prêts d’honneur obtenus auprès du réseau Entreprendre Picardie, d’Initiative Somme (structure qui contribue au développement économique et social du département de la Somme) et d’Initiative France en tant qu’Entreprise Remarquable, une aide de la BPI (statut d’une entreprise innovante) et l’obtention d’un financement bancaire personnel. En septembre 2016, il intègre Amiens L@b, une pépinière d’entreprises numériques qui fournit un cadre dynamique à sa start-up, et après une période de tests pour vérifier que le produit correspond aux attentes, ouvre officiellement la plate-forme en ligne equipementsapartager.com le 29 janvier de cette année.
Tiers de confiance
Simple dans sa mission, cette plate-forme Equipements à Partager a pour but de mettre en relation des entreprises utilisatrices d’engins de TP afin que les unes mettent en location leurs matériels inutilisés et que les autres les louent pour leurs chantiers. Evidemment cette relation doit être faite en totale confiance, sur la qualité des équipements proposés, sur la mise à disposition, sur les réparations de dommages qui pourraient intervenir, sur le paiement, etc. Parmi ces critères fondamentaux, celui de l’assurance est particulièrement important puisqu’il prélude à toute relation commerciale.
Pour rassurer totalement à la fois le loueur et le locataire, Equipements à Partager qui doit être un tiers de confiance entre entreprises qui ne se connaissent pas, a travaillé sur le sujet de l’assurance avec la direction Nord de Axa, « groupe qui a l’expérience du BtoB et de l’économie collaborative avec Blablacar » comme le souligne Kevin Legault, « et a compris l’intérêt de ce type de projet ». Après étude, Axa a proposé en septembre 2016 un contrat comprenant le bris machine, le vol et l’incendie, la responsabilité civile en fonctionnement (dégâts provoqué lors de l’utilisation de la machine) et en circulation (par exemple une machine transportée qui accroche un pont). « Cette assurance complète était indispensable sous risque de voir se dégrader les relations entre les contractants, ce qui aurait rendu notre activité non viable ». Le coût de cette prestation est calculée forfaitairement à 12% du prix de la location pour le matériel non roulant, avec un surplus de 1 ou 2% pour le matériel roulant, avec une franchise dépendant du coût de la machine (différence selon que le matériel est roulant ou non roulant) et des montants spécifiques pour le vol.
Le modèle économique
La contrainte de l’assurance levée, le modèle économique suivi par Equipements à Partager a été de concevoir un dépôt d’annonce totalement gratuit pour le loueur, sans aucun frais d’aucune sorte : « Il ne paye que s’il fait du business ». Ensuite, selon un schéma classique pour l’intermédiation sur internet, la plate-forme se rémunère en prélevant un pourcentage sur le montant de la transaction, 15% quand il s’agit d’une location sans opérateur, 10% quand il y a un opérateur.
Le paiement s’effectue au moment de la réservation par carte bleue, avec un débit immédiat sur un compte tiers si le propriétaire accepte la réservation. Si la location ne se fait pas ou dure moins longtemps que prévue, le remboursement est possible à l’exception des frais liés au service d’encaissement pour le compte de tiers Mangopay supporté par la plate-forme. Cette solution de paiement immédiat, simple et acceptée facilement par les deux contractants, rassure le propriétaire qui est in fine crédité quatre jours après la fin de la location, lorsque celle-ci a bien été validée. Quant à la caution, elle prend la forme d’une remise de chèque en mains propres effectuée lors de la mise à disposition de la machine.
Une location en trois clics
Evidemment, avant qu’il y ait location, avec signature du contrat et paiement, les deux partenaires doivent se rencontrer et la fonction du site internet est ici cruciale. Il doit être le plus simple possible en utilisation tout en offrant une image complète de toutes les possibilités offertes. Pour atteindre ce résultat, Kevin Legault a choisi d’externaliser le développement du site auprès d’un prestataire déjà détenteur d’un savoir-faire dans la construction de ce type de plate-forme d’intermédiation.
Sur ce site, dont la création a duré environ un an, l’entrée se fait directement sur le moteur de recherche qui permet à tout locataire potentiel de rechercher la machine qu’il désire. Il peut directement la choisir sur un menu déroulant et préciser sa localisation, ou passer par un premier filtre de dix grandes catégories allant de béton à travail en hauteur pour obtenir l’ensemble des machines appartenant à la famille sélectionnée. Dans les deux cas, il suffit ensuite de filtrer l’offre par des sélections successives portant sur la période de location désirée, la fourchette de prix à la journée, la date de mise en service du matériel, la possibilité de livraison et le cas échéant la présence d’un opérateur pour trouver l’offre qui correspond à ses besoins. En cliquant sur la machine désirée, on obtient toutes ses caractéristiques techniques rentées par son propriétaire, ainsi que, notamment, le montant de la caution et le calendrier des plages de location disponibles.
Si l’offre correspond au besoin, un dernier clic enclenche le processus de demande de location. Après acceptation par le propriétaire de l’engin, le paiement est effectué par carte bancaire et un contrat de location pré-rédigé est édité avec mention des parties, description du matériel, les conditions commerciales, l’état des lieux à remplir (jauge de carburant, propreté, heures, équipement fourni, impacts...). Les deux contractants doivent le signer et le renvoyer par mail pour qu’il soit pris en compte par Axa.
Gestion rapide des annonces
Pour le propriétaire, qui rentre sur son espace en cliquant sur l’onglet « louer mon matériel », la démarche est également d’une grande simplicité même si elle est plus longue du fait des informations à rentrer. Une fois son compte approuvé, il doit en effet créer la fiche de chaque machine mise à disposition pour la location avec photo(s), informations techniques spécifiques, dates de mise en service et des révisions, nombre d’heures d’utilisation lorsque c’est possible. Il doit ensuite remplir les infos commerciales avec le prix à la journée, le montant de la caution, les tarifs de la livraison lorsqu’elle est proposée avec mention de la distance maximale, le tarif de l’opérateur qui peut être optionnel ou obligatoire. L’annonce doit bien sûr être rédigée avec un titre et un texte et l’adresse de l’entreprise complétée. Celle-ci sert à calculer les frais de livraison mais n’est pas indiquée en tant que telle sur le site, où seule la ville du loueur est mentionnée. A cet instant, la machine est par défaut mise en ligne pour une location – il est possible de dupliquer des machines pour en enregistrer plusieurs rapidement.
Le propriétaire peut bien sûr à tout moment modifier son annonce en précisant les dates d’indisponibilité de la machine, la durée minimale de livraison. Il peut également mettre en place une promotion temporaire, des prix plus attractifs selon le jour de la semaine, placer une annonce hors ligne pour une machine qui ne sera temporairement plus louée, établir une simulation de revenus.
Couvrir la France en deux ans
Le site equipementsapartager.com a été ouvert le 29 janvier 2017 et il s’agit désormais de multiplier les machines disponibles à la location dans ses pages pour enclencher une dynamique qui permettra d’augmenter la visibilité de la plate-forme à la fois chez les propriétaires de machines et les locataires potentiels. Aidé dans cette tâche par deux collaborateurs, depuis octobre 2016 pour l’action commerciale et le début de l’année par le marketing et la communication, Kevin Legault prospecte les possesseurs d’engins en premier lieu sur sa région d’implantation, dans un triangle dont les sommets sont Lille, Rouen et Reims. Le service étant gratuit, sans engagement, les clients sont assez réactifs et fin mai 530 machines étaient visibles sur le site.
La première ambition est de réaliser un maillage territorial sur le Nord de la France puis d’étendre progressivement cette zone à tout l’Hexagone, objectif fixé pour fin 2018. D’ici là, Equipements à partager escompte avoir référencé plusieurs milliers d’équipements fin 2017, ce qui est fort réalisable pour Kevin Legault qui estime à 1 000 machines le potentiel moyen d’un département.
Frédéric Bassigny
Finaliste de la Fabrique Aviva
La fabrique Aviva, « catalyseur de l’innovation citoyenne » organise tous les ans un concours réunissant des jeunes entreprises classées en quatre catégories à l’issue duquel des dotations financières sont remises pour appuyer leur développement. Cette année, Equipements à Partager a été sélectionnée parmi les cinquante finalistes de la catégorie « Lien social, inclusion, citoyenneté ».