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janvier 2014

Les enduits intérieurs

Des spécialistes de la course de fond

Très segmenté, le marché de la préparation des fonds suit évidemment l’évolution négative de la conjoncture du neuf. Néanmoins, cet univers technique et souvent traditionnel, travaille à apporter des réponses aux problématiques actuelles et futures du bâtiment : isolation thermique et acoustique, protection contre les ondes, sans oublier la mise au point de produits toujours plus respectueux de l’environnement.

Les enduits intérieurs brillent par leur discrétion. C’est même ce qu’on leur demande. Opération essentielle et pourtant invisible puisqu’à l’intérieur, le produit appliqué est recouvert d’un revêtement peinture ou papier peint, la préparation des fonds conditionne la qualité du rendu final du mur. Cette étape technique qui exige un véritable savoir-faire représente d’ailleurs 90% du temps du travail d’un peintre, le restant étant dévolu à la mise en peinture ou à la pose du papier peint.

Évalué à 122 000 tonnes, soit environ 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, le marché des enduits intérieurs (secteurs grand public et professionnels) suit évidemment l’évolution de la conjoncture actuelle en fonction des deux grands secteurs d’activité sur lesquels il intervient : le neuf (66% de son volume) et la rénovation (34%). Si le secteur de la rénovation est stable, le marché du neuf souffre lui, comme chacun le sait, davantage. Par conséquent, le marché des enduits intérieurs se situe sans doute sur une courbe légèrement en baisse.

Positionnées sur la rénovation, les grandes surfaces de bricolage détiennent 29% des ventes globales face à la distribution pour les professionnels (71%) qui, elle, intervient tant sur le neuf que sur la rénovation. Sur ce segment professionnel, deux circuits opèrent essentiellement : les négoces en matériaux (20%) et, surtout, les grossistes en décoration (80%). En France, la préparation des fonds reste effectivement l’apanage du peintre qui entre en scène dès que l’entreprise générale ou le plaquiste a quitté le chantier. Si les grossistes en décoration proposent donc une gamme d’enduits large, répondant aux différentes problématiques se posant au peintre, les négoces en matériaux se centrent surtout sur l’enduit dit de rebouchage, utilisé par les entreprises générales du bâtiment pour effectuer par exemple une retouche après une saignée dans un mur. Ils commercialisent également les bandes de joint pour les plaques de plâtre posées par les plaquistes.

Poudre ou pâte

Les marchés du neuf et de la rénovation se distinguent également par le type d’enduits utilisés et la façon de les appliquer. Un enduit peut effectivement se présenter sous deux formes, en poudre ou en pâte. Dans le secteur professionnel, ces deux familles réalisent des tonnages équivalents avec toutefois un poids en valeur supérieur pour les enduits pâte.
Les enduits en poudre, auxquels l’artisan ajoute de l’eau, sont composés d’un liant souvent à base de plâtre (90% des enduits intérieurs), complété par des charges minérales (sable) ou encore des résines qui permettent au produit de durcir. Sur un fond déjà peint ou revêtu d’une sous-couche par exemple, l’enduit adhèrera mieux s’il contient plus de résines. En effet, l’accroche sur un fond dit bloqué est moins forte que sur un support brut. L’eau contenue dans l’enduit avant le séchage a plus de mal à s’évacuer.

Il existe également des produits poudre à base de ciment, parfois additionnés de pigments, mais avant tout positionnés sur l’extérieur même si, évidemment, ils peuvent entrer à l’intérieur. De même, le marché compte des produits à base de chaux, ces derniers s’inscrivant surtout dans l’univers des enduits décoratifs ou pour la mise en œuvre des plaquettes de parement. La chaux étant un produit vivant, elle ne peut évidemment supporter d’être recouverte d’une peinture, au risque que cette dernière se dégrade rapidement.

Les enduits en pâte, prêts-à-l’emploi, sont eux surtout dédiés aux systèmes mécanisables et se retrouvent essentiellement dans le neuf.

Manuel ou mécanisé

Ces deux grandes catégories d’enduits sont effectivement très liées au type d’application : manuelle ou mécanisée.

Les systèmes mécanisés sont développés avant tout dans le neuf. Il est difficile en effet de mettre en œuvre une machine sur un chantier de 15 m2, sans compter le temps de préparation du chantier (masquage...), de mise en place de la machine, puis son rangement à la fin de l’opération. Pour optimiser le temps de mise en œuvre mais aussi rentabiliser l’investissement de la machine, l’application mécanisée exige donc des surfaces importantes, plus répandues dans le neuf ou dans des programmes de réhabilitation conséquents.

Ce procédé fonctionne avec des enduits prêts-à-l’emploi, en pâte, formulés spécialement pour pouvoir être projetés de façon mécanique. Néanmoins, plusieurs formulations existent en fonction du type de machine même si des produits polyvalents, convenant aux différents systèmes ont fait leur entrée sur le marché.

Système historique, la machine à vis, dite aussi queue de cochon, repose sur une vis sans fin qui pousse l’enduit dans un gros tuyau. Ce tuyau est relié à un plus petit tuyau rattaché, lui, à un compresseur : l’air arrive au bout de la lance, vient éclater l’enduit et le projette par gouttelettes en une épaisseur importante, qui sera ensuite ratissée par le peintre pour ne conserver sur le mur qu’une couche d’un ou deux millimètres. Depuis une quinzaine d’années, un autre système se développe, celui des machines Airless, traditionnellement utilisées pour projeter de la peinture et des produits fluides mais aujourd’hui en mesure de projeter des produits pâteux. Par rapport à la première, ces machines sont moins encombrantes, plus légères et moins bruyantes. Et comme leur jet est plus précis, la préparation du chantier est moins laborieuse. De plus, le jet dépose une fine épaisseur d’enduit qui sera, alors, non plus ratissée mais écrasée en surface. Cette technique permettrait au peintre de gagner globalement 30% de temps au niveau de la préparation des fonds. Moins complexe, elle se déploie logiquement sur le marché français, arrivé d’ailleurs plus tardivement que les pays d’Europe du nord sur ce procédé, et représenterait environ 20% de la mécanisation.

Le rouleau, la 3e voie

Compte tenu de la conjoncture du neuf, le marché des enduits en pâte souffre donc un peu plus que celui des enduits en poudre, plutôt dévolus à la rénovation.

Dans les chantiers de rénovation, l’enduit en poudre conserve effectivement toute la préférence du peintre qui peut ainsi doser le produit à sa convenance et disposer de la consistance qu’il souhaite. Les produits en pâte, tels qu’on en trouve sur le marché grand public (commercialisés en tube ou en seau) sont peu utilisés. Au-delà de l’art et la manière, il est vrai qu’ils ne sont guère rentables sur des murs complets.

Entre le système mécanisé et le tour de main, Toupret, leader incontesté du marché des enduits, a ouvert un autre segment, celui des enduits applicables au rouleau. Avec son concept Planéo, la marque a créé un système associant un enduit pâte et poudre à des outils (rouleau, lisseuse...) spécialement conçus pour l’application de ce type de produit de façon à en optimiser le résultat. D’autres proposent des systèmes similaires mais utilisant des outils traditionnels du peintre.

L’objectif est de proposer dans la rénovation, à une nouvelle génération de peintres ne possédant sans doute pas l’expertise de leurs aînés, un produit facilitant, garantie aussi de gain de temps.

Rebouchage, égalisage, lissage

Quel que soit le procédé d’application, les enduits intérieurs se déclinent ensuite en trois grandes familles en fonction de la nature du travail à effectuer : rebouchage, égalisage et finition.

Les enduits de rebouchage sont destinés, comme leur nom l’indique, au rebouchage de trous et autres fissures. Leur formulation permet une application par couche épaisse (plus de cinq millimètres) pour colmater une brèche. Toutefois, contrairement aux deux autres fonctions, les reboucheurs sont uniquement disponibles en application manuelle. Il est vrai que ce type d’enduit est peu utile dans le neuf ou dans la plupart des cas, les murs ne comportent pas de fissures.


La granulométrie des enduits d’égalisage leur permet de rattraper la planimétrie d’une surface (petits creux, bosses, rayures...), sur des épaisseurs de deux à cinq millimètres. Une fois poncés, ils conviennent pour préparer les fonds en vue de la mise en œuvre de 80% des peintures du marché. Selon les marques, ces enduits peuvent également prendre le nom d’enduits de garnissage ou encore de dégrossissage.

En revanche, dès que l’artisan veut réaliser une surface impeccable pour des peintures très fines, laquées, l’enduit de lissage (ou encore de surfaçage, de finition) s’impose. Il s’applique sous forme de pellicule très fine.

Pour aider au repérage dans le point de vente et sur le chantier, les packagings peuvent d’ailleurs arborer un grand G désignant un enduit d’égalisage ou garnissant, un F pour un enduit de finition ou un R pour le rebouchage. Par ailleurs, ces trois familles obéissent à un code-couleur par la majorité des acteurs : rouge pour le rebouchage, bleu pour le lissage, jaune ou orange pour l’égalisage. Ce code-couleur est devenu référent au point que certains peintres entrent chez leur distributeur en demandant directement du rouge, par exemple. Pas de confusion, ils cherchent bien un enduit de rebouchage.

Enduits multifonctions et techniques

Pour libérer l’applicateur de ces notions de rebouchage, égalisage et lissage, les intervenants du marché ont lancé des enduits multifonctions. Ces derniers restent peu utilisés par le professionnel, le marché de la préparation des fonds restant très spécialisé. Disposant d’un prix moyen moins élevé, les produits multifonctions sont néanmoins adoptés pour des raisons économiques.

D’autres produits de niche existent également sur ce marché répondant à des contraintes spécifiques. Ainsi, les enduits gras à laquer, liquides, interviennent pour la réalisation de finition extrêmement minutieuses, rendant possible ensuite l’application de peintures très fines, à l’effet tendu.

Depuis quelques années, le segment des enduits dits techniques s’est également développé. Entrent dans cette catégorie des enduits permettant d’imperméabiliser le support, c’est-à-dire de bloquer l’humidité tout en laissant respirer le mur (salles de bains...). Les marques réfléchissent également à des enduits s’inscrivant dans un système d’isolation thermique par l’intérieur.

Confort et gain de temps

Si, bien entendu, les fabricants sont attentifs à apporter toujours plus de facilitation, générateurs par la même occasion de gain de temps, il n’est pas toujours facile d’innover sur des produits déjà bien évolués. En 2003, toujours à l’initiative de Toupret, sont apparus les enduits à séchage rapide, essentiellement sur le segment des reboucheurs. Démarche logique, puisque plus l’épaisseur est importante, plus l’enduit prend du temps pour sécher.
Doté d’un positionnement prix plus élevé qu’un reboucheur classique, ces produits répondent à des problématiques de reprises sur un chantier, permettant une mise en peinture deux à trois heures plus tard. En revanche, pour les autres types d’enduits, à l’épaisseur moindre et posés sur des surfaces plus importantes, le peintre a l’habitude de les laisser sécher 24 heures. Un enduit sec au toucher ne l’est pas forcément à cœur. S’il est recouvert trop tôt, l’évaporation de l’eau ne s’effectue pas correctement. Néanmoins, il existe également des enduits proposant un temps de séchage raccourci.

En revanche, peu d’évolutions sont envisagées au niveau du poids. L’enduit reste un produit pondéreux qu’il est difficile d’alléger. L’enduit poudre est commercialisé en sacs de 1 à 30 kg, sachant que le cœur des ventes se situe aux alentours de 15 kg avec une tendance remarquée en faveur de packs plus petits. La crise est passée par là et l’artisan n’a plus forcément envie d’abandonner sur un chantier la moitié d’un sac non utilisé.

Autre évolution dans l’axe du confort et de la facilitation, touchant cette fois la mécanisation, le système BagMax de Beissier prend la forme d’un container en carton de cinq cents kilos d’enduit relié directement à une pompe Airless par un tuyau. Le container reste en bas de l’immeuble, le peintre s’accompagnant simplement du tuyau (jusqu’à 400 mètres) et du pistolet de projection.

Un produit dans l’air du temps

Les réflexions des services de recherche et développement portent aussi sur l’environnement et l’amélioration des conditions de travail des peintres ainsi que sur la santé de ceux qui vivent dans les locaux. Si l’enduit est composé à 90 ou 95% de produits naturels, il comprend effectivement des liants synthétiques auxquels les fabricants cherchent des alternatives. Par ailleurs, ils réfléchissent à doter l’enduit de nouvelles fonctions répondant aux enjeux actuels grâce à l’évolution des technologies : enduits bactéricides, offrant des solutions en terme d’isolation phonique et thermique, ou encore se proposant comme barrières de protection contre les ondes (wifi, téléphonie) qui se propagent dans notre monde moderne. Pas de doute, l’enduit s’inscrit bien dans l’air du temps.
 

AR