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juillet 2016

Les peintures décoratives

Changement d’ère, changement de phases

Les peintures d’intérieur forment une vaste catégorie de produits destinés à la protection et à l’aspect esthétique des espaces. Les peintures dites décoratives, ou plutôt à effets décoratifs, forment quant à elles une famille de produits qui permettent de donner une ambiance originale aux espaces par leur application sur les murs, les menuiseries ou sur les meubles. Comme l’ensemble des peintures, ces deux catégories sont entrées, au travers de l’adoption de plus en plus importante des concepts de développement durable, de protection de l’environnement et de la santé, dans une nouvelle ère technologique et culturelle.

Les industriels des peintures ne cessent de créer de nouvelles molécules et de nouvelles formulations pour améliorer les qualités de leurs produits selon de nombreux critères : facilité et rapidité d’application, durée de séchage,  pouvoir couvrant, brillance, aspect du fini, odeur, tenue à l’humidité, tenue à la lumière, facilité de nettoyage… 

Ce mouvement d’amélioration continue des produits sur le plan pratique répond aussi à des contraintes économiques, notamment la recherche de rentabilité par la diminution des coûts de mise en peinture, ce qui implique l’utilisation de matières plus performantes et moins coûteuses. Par ailleurs, la mise en place de législations et de normes de plus en plus sévères en matière d’hygiène, de sécurité et d’environnement (cf. règlement européen REACh), contribue fortement à l’apparition de nouveaux produits, plus sains, qui se substituent progressivement à des matières premières de moins en moins tolérées.

C’est ainsi que les peintures en phase aqueuse (essentiellement les acrylique) dominent les peintures en phase solvant (les glycérophtaliques). Les solvants en question, par leur teneur en composés organiques volatils (COV) sont en effet devenus pratiquement indésirables du fait de leur toxicité et de leur nature de gaz à effet de serre.
La quasi-totalité des peintures actuelles sont le fruit des deux formulations citées précédemment. Notons que le solvant permet de diluer les différents composants de la peinture (pigments, liant, additifs divers) et de bien l’étaler sur toutes sortes de supports. Chacune de ces formulations, à base de molécules polymères issues de l’industrie pétrolière, a ses avantages et ses inconvénients.

Les glycérophtaliques

Les peintures glycérophtaliques ont été les premières peintures issues de la pétrochimie. Pour simplifier, leur solvant est du white-spirit et leur liant est un polymère de type « alkyde » par nature insoluble dans l’eau. Parmi les qualités d’une « glycéro », citons la résistance à l’humidité qui la destine tout particulièrement aux pièces humides, le pouvoir opacifiant, le pouvoir couvrant, la tenue dans le temps, la facilité à être lessivée et la brillance. Elle est toujours recommandée pour les plafonds, notamment parce qu’elle est facile à lessiver et parce qu’elle est peu sensible au jaunissement. Côté esthétique, son aspect tendu convient parfaitement à la réalisation d’effets satinés et laqués. Sa brillance est également idéale pour les supports en bois ou en métal.

Ses inconvénients sont bien connus : durée de séchage importante, odeur tenace et entêtante pendant l’application et le séchage, persistance de cette odeur pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines, émission de COV nocifs pour la santé et l’environnement. Par ailleurs, d’application délicate, elle tolère peu les défauts : c’est une peinture pour « experts ».

L’arrivée de liants acryliques, dans les années 1950, a changé la donne. Elle a mis fin à l’hégémonie des peintures glycérophtaliques ; elle a bousculé et révolutionné les usages. Solubles dans l’eau, ces liants ont permis l’élaboration de peintures plus faciles à vivre : pas de white-spirit, pas d’odeur tenace, nettoyage à l’eau des outils et accessoires, séchage rapide.

Les acryliques

Les peintures acryliques des premières générations avaient une moindre brillance que les peintures glycérophtaliques, ce qui ne permettait guère de les employer pour obtenir un fini satiné, a fortiori une laque. Relativement fragiles, elles supportaient peu d’être frottées, lors des nettoyages, par exemple. Ceci est le passé. Aujourd’hui, ces peintures peuvent être employées dans toutes les pièces, dont les pièces humides. Il existe d’ailleurs des acryliques « spécial cuisine », « spécial salle de bains » et « murs et plafonds » qui ont fait la preuve de leur efficacité : lessivables, elles ne s’écaillent pas et ne se décollent pas. On peut aussi appliquer les acryliques de dernière génération sur n’importe quel support préparé, que celui-ci soit humide ou sec. Si nombre de professionnels estiment encore qu’elles n’auraient pas atteint le niveau de performances des glycérophtaliques dans ces domaines, c’est le rapport entre le prix, le niveau de qualité désiré et l’enveloppe budgétaire qui déterminera le choix final.

Le retour des alkydes

De manière apparemment paradoxale, les peintures d’aujourd’hui ont passé un nouveau seuil d’amélioration par le retour des liants alkydes, désormais traités en phase aqueuse. Des chercheurs ont en effet mis au point de nouvelles molécules tensioactives qui permettent la cohésion entre les particules de liant alkyde et l’eau, alors que ces composants se repoussent naturellement sans ces nouveaux ingrédients. Résultats de cette recette, les nouvelles peintures alkydes allient les qualités des glycérophtaliques et des acryliques sans en avoir les inconvénients. Plus résistantes, plus durables et plus brillantes que les acryliques, elles s’appliquent plus facilement que les glycéros, n’ont pratiquement pas d’odeur et émettent très peu de COV, voire pas du tout. A leur décharge, elles sont plus onéreuses que les acryliques et les glycéros.

Le choix par aspects

Les marques de peintures, dans un marketing bien compris, présentent aujourd’hui leurs gammes déco selon un système fondé sur les aspects de finition plutôt que sur les formulations, peu faciles à expliquer. Cette approche aide le client dans son choix, qu’il soit professionnel ou pas, d’autant que, le plus souvent, un aspect de finition déterminé correspond à une destination d’usage assez précise en termes de support et de pièce à traiter.

D’une manière générale, on distingue aujourd’hui trois grandes catégories de peintures de décoration basées sur leur aspect final : mat, satiné, brillant, sachant que nombre de marques s’ingénient à créer des catégories intermédiaires ; rien n’est normé sur ce plan-là.
Le mat absorbe la lumière ; toutefois, il peut être lumineux en fonction de la couleur choisie. Il permet d’obtenir des aspects veloutés. S’il est assez salissant et peu lavable, il compense aisément les irrégularités et les petits défauts de surface. A utiliser de préférence dans les pièces « paisibles » : salons, salles d’attente ou de repos, milieu hospitalier... A éviter dans les lieux de passage.

Entre le mat et le brillant, le satiné reflète discrètement la lumière. La préparation du fond doit être rigoureuse. Cet aspect est recommandé pour les chambres et tous les lieux où l’on désire une atmosphère « zen ».

Le brillant reflète fortement la lumière et fait apparaître tous les défauts de surface. Le fond doit donc être parfaitement préparé, surtout quand on recherche un effet laqué. Cet aspect, d’entretien facile, donne une impression de profondeur aux espaces et convient parfaitement aux milieux salissants, à fort passage, et aux pièces humides ; ces peintures sont en effet particulièrement résistantes et lessivables.

Environnement et santé

Les peintures de demain sont déjà sur le marché. La recherche se poursuit en particulier dans les domaines de l’environnement et de la santé, dont les enjeux sont désormais dans l’esprit de tous, et au sujet desquels la législation s’est renforcée, notamment, en France, par la loi du Grenelle 2.

Si les formulations avaient déjà évolué dans l’objectif d’utiliser le moins possible, voire d’éliminer, toutes sortes de substances indésirables (COV, métaux lourds…), certains fabricants proposent aujourd’hui des peintures qui assainissent les espaces : les peintures dépolluantes. A notre connaissance, c’est le fabricant français Onip qui a été le premier à lancer ce produit sur le marché, après en avoir déposé le brevet en mai 2013 (label’Onip Clean'R). Les peintures qui utilisent ce brevet, dont Captéo de Tollens ou Sweet Air de Théodore, captent et détruisent essentiellement les formaldéhydes, des COV qui entrent dans une foule de produits : meubles, colles, vernis, tissus, moquettes, produits d’entretien, sans oublier les émanations liées à la cuisson d’aliments, à la combustion de bougies et de produits parfumés ou au chauffage à base de produits pétroliers.

Ces peintures en phase aqueuse transforment les polluants en molécules saines, contribuant ainsi à l’assainissement de l’air ambiant. Selon les données des fabricants, elles éliminent jusqu’à 85% de polluants en 24 heures. Leur efficacité est visible dès la première application et se maintient sur une durée déclarée pouvant aller jusqu’à dix ans. Par ailleurs, elles sont déclinées en une multitude de finitions et de coloris, tout prêts ou par mise en teinte.

Les fabricants, Tollens notamment, travaillent aussi sur la capacité des peintures à mieux réfléchir la lumière. Une meilleure « réflectance » participe non seulement à une atmosphère plus lumineuse, mais permet aussi d’économiser réellement de l’énergie en matière d’éclairage : une paroi qui renvoie plus de lumière, c’est moins de kW à consommer en éclairage.

Enfin, en matière de prospective, il faut savoir que des chercheurs travaillent sur des composants « bio » appelés à se substituer aux produits de la pétrochimie. Ainsi, pour les peintures, de nombreux travaux cherchent à les remplacer par des composants issus de la biomasse (plantes et déchets végétaux, algues, sous-produits d’origine animale…). Un industriel français (Ecoat ; Alpes-Maritimes) a mis au point un liant alkyde issu de la biomasse à 99%. Celui-ci a été intégré à des peintures dont la majorité de la formulation ne contient pas plus de 5% de dérivés du pétrole.
A quand les nouvelles gammes « zéro pétrole » ?
 

Jean-Marie Corvaisier


Onip

Le fabricant français Onip a déposé son brevet de peinture dépolluante « Clean’R » en 2013. Celle-ci capte et détruit jusqu’à 85% des formaldéhydes présents dans les lieux clos en 24 heures.



Théodore

Sous le label Activ’Air, Théodore, marque du groupe Théolaur, propose sa peinture dépolluante Sweet Air en deux finitions : Mat et Velours. Cette dernière peut être colorée en machine à teinter.


Tollens

Captéo est la peinture dépolluante de Tollens. Conforme au label Haute Qualité Environnemental (HQE), elle est déclinée en finitions mat et velours et disponible en plus de mille teintes dans le nuancier « Totem » pour machine à teinter.



REACh, quésaco ?

REACh : Registration, Evaluation and Autorisation of Chemicals.
Entré en vigueur le 1er juin 2007, le règlement européen REACh a pour objectif d’améliorer la protection de la santé humaine et de l’environnement tout en maintenant la compétitivité et en renforçant l’esprit d’innovation de l’industrie chimique européenne… Son objet est une meilleure connaissance des effets des substances chimiques sur la santé humaine et l’environnement pour une gestion efficace des risques liés à l’utilisation de ces produits. Dans cet esprit, il tend à la substitution progressive dans l’Union européenne des substances chimiques les plus dangereuses, en particulier les substances comme les cancérogènes, les mutagènes et les perturbateurs endocriniens, par des substances ne présentant pas de risque pour la santé humaine ou l’environnement.
Concrètement, pour continuer à mettre sur le marché des substances chimiques produites en quantité égale ou supérieure à une tonne par an, les producteurs ou importateurs d’une substance donnée doivent procéder à l’enregistrement de celle-ci. Ils doivent fournir à une agence spécialisée (l’Anses en France) des informations sur la fabrication, les usages identifiés et les propriétés toxicologiques de leurs substances, faute de quoi ils ne pourront plus les mettre sur le marché selon le principe « pas de données, pas de marché ».


Les peintures à effet décoratif

L’imagination et la créativité des chimistes et des stylistes des industriels enrichissent l’offre des peintures déco. Les marques proposent ainsi des produits très originaux, « tendance », qui permettent de personnaliser davantage les espaces. A partir de compositions subtiles jonglant avec pratiquement toutes les formulations de base, elles jouent de leurs qualités intrinsèques en y intégrant des composants minéraux, métalliques ou synthétiques dans de savants mixages ; la palette est large.

Les peintures à base de chaux, d’ocres, ou des deux (Boiro, entre autres), permettent d’obtenir des effets de marbre, comme le stuc, ou de chaux. Elles sont appliquées à la brosse ou à la spatule. Dans sa version traditionnelle, le fameux tadelakt, à l’origine à base de chaux de Marrakech, ne peut être réalisé que par un artisan très expérimenté. Dans le domaine industriel, des enduits « tadelakt » de qualité, à base de chaux marocaines, d’autres types de chaux et de particules minérales très fines (poudre de marbre, sables) sont proposés par quelques fabricants, mais leur application demande tout de même un certain coup de main et de la méticulosité. Ces enduits à la chaux se posent à la brosse avec une finition au savon ou à la cire pour ceux qui se rapprochent le plus de la méthode traditionnelle.

D’autres produits, moins onéreux, sont des mélanges de ciments, de chaux et de composants de synthèse. Leur application est très simple, cependant l’aspect final s’éloigne de celui du tadelakt authentique. Ces produits doivent pour la plupart être protégés de l’humidité par des vernis afin d’éviter la remontée en surface des sels calcaires.
Certains fabricants (Mathys, Sikkens…) ont mis au point des « recettes » qui donnent l’illusion de parois tendues de velours ou de fibres croisées. Côté minéral, on trouve des effets granit, sable ou verre. L’effet béton est décliné de l’aspect brut à l’aspect lisse, les tons allant des gris les plus profonds au gris clair. La peinture à paillettes est un produit en gel qui contient des paillettes, métalliques ou autres. Elle s’applique à l’aide d’une brosse plate sur un support préalablement peint avec une peinture acrylique satin, de préférence. Le gel, devient transparent au cours du séchage et laisse apparaître les paillettes à la surface. Les peintures à effet métallique offrent une large palette d’aspects, du gris acier ou aluminium aux tons de cuivre, de bronze ou de fer rouillé. Elles s’appliquent le plus souvent au rouleau en deux couches.

Nota : Les peintures à effet décoratif doivent souvent être appliquées sur des fonds préparés. Dans ce cas, les fabricants proposent une offre adaptée de sous-couches ou d’enduits de préparation conçus pour chaque type d’effet.

Sikkens 

Alpha Mettalic, de Sikkens, est proposée en plus de 50 teintes. Formulée en phase aqueuse, son pouvoir couvrant est élevé. D’application aisée, elle est classée A+ sur l’échelle de la teneur en COV.



Mathys

La gamme Cachemire de Mathys est déclinée en plusieurs finitions : Mat Intense, Mat Velours, Laque Mate, Cachemire Sable, Cachemire Mettalic et Cachemire Béton.





Les peintures minérales

Aujourd’hui, loin devant les peintures en phase solvant, les peintures de décoration composées de polymères de synthèse en phase aqueuse (acryliques essentiellement), règne sur ce marché, avec une part supérieure à 80%. Cependant, il existe d’autres technologies que ces dernières, toutes les deux basées sur la pétrochimie. Pour le moment, les peintures à base végétale rencontrent peu de succès, elles sont essentiellement recherchées par une clientèle à l’esprit écologique très affirmé.

Les peintures minérales, quant à elles, sont bien entendu composées de poudres et de pigments minéraux. Leur liant est également issu de matières premières minérales. Le liant minéral le plus durable pour les peintures est le silicate de potassium. Son principe de fonctionnement est fondé sur la prise intime de celui-ci avec le support. Le résultat est une liaison durable et insoluble de la peinture avec celui-ci : enduit, pierre, béton et autres. Selon la norme française NFT 30 808, la peinture silicate « prête à l’emploi » ne peut contenir au maximum que 5% de composants organiques.

Keim

Le groupe Keim est un spécialiste des peintures minérales. Ses produits de dernière génération peuvent être appliqués sur presque tous les types de supports courants. Sa gamme PoLyChrom « Les Couleurs Le Corbusier » est déclinée en 63 teintes, aspect mat.


Peinture monocouche, bicouche, multicouche

Une peinture monocouche contient plus de pigments qu’une bicouche ou une multicouche. Son grand pouvoir couvrant suffit pour recouvrir correctement, à moindres frais et en une seule fois, un support de tonalité claire ou moyenne. En principe, une monocouche couvre davantage, en une seule passe, les surfaces sombres ou vives par rapport aux peintures standard, mais cela se discute ; dans les faits, il faut souvent effectuer plusieurs passages. Par ailleurs, une peinture conçue pour une application en plusieurs couches procure un fini plus soigné et a une durée de vie plus importante.

Enfin, l’application d’un enduit ou d’une peinture d’impression (dite aussi « peinture primaire » ou de « sous-couche », la terminologie n’est pas normée), est souvent indispensable pour permettre la prise optimale de la peinture sur certains supports : ciment ou béton ; parois poreuses (plâtre et autres matériaux farineux) ; bois, métal, pièces humides… Tous les fabricants complètent leurs gammes de peintures avec un grand nombre de produits spécialisés.


Formaldéhydes, la législation

Le décret du 2 décembre 2011 rend obligatoire la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant un public réputé sensible : crèches, écoles maternelles et élémentaires, collèges et lycées, universités, centres de loisirs, milieu hospitalier, théâtres, maisons de retraite…

L’ensemble des lieux clos devront être sous le seuil d’émission de formaldéhydes aux dates suivantes :
30 µg/m3 à compter du 1er janvier 2015 ;
10 µg/m3 à compter du 1er janvier 2023.
Par ailleurs, depuis le 1er décembre 2013, tout nouveau produit de construction ou de décoration doit porter un étiquetage informatif sur le taux d’émission de COV. Le niveau d’émission du produit est indiqué par une classe allant de « A+ » (très faibles émissions) à « C » (fortes émissions).

Vérifier l’indication du niveau de COV sur les conditionnements des produits.