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Reportages point de vente -  février 2014

Deville Suchail -Saint-Etienne (42)

L’envie d’entreprendre

Acteur significatif du négoce de produits métallurgiques et fournitures industrielles dans la région Rhône-Alpes et en Auvergne, le groupe Deville s'appuie sur huit sites dont la société Suchail de Saint-Etienne. Au fil des ans, cet indépendant, adhérant au réseau Socoda, n'a cessé de se développer en valorisant avant tout la présence humaine de ses équipes sur le terrain.

Le groupe Deville, c'est avant tout une affaire d’équilibre, équilibre entre deux activités – la fourniture industrielle et les aciers –, équilibre aussi dans la façon dont Frédéric Deville gère et entrevoit l'évolution de l'entreprise familiale qu'il dirige, entre croissance interne et externe, réflexion et audace, organisation millimétrée et créativité, optimisation des ressources en place et envie d'aller de l'avant.

A l'origine, un inventeur

Le groupe ligérien est né en 1929 lorsque Jean Deville, grand-père de Frédéric, reprend une quincaillerie à Saint-Bonnet-Le-Château dans la Loire. Au-delà des articles de ménage et de quincaillerie proprement dits, son activité est tournée vers le travail du métal, étant donné la forte présence dans la région d'armuriers, de serruriers, sans oublier les charrons qui utilisent l'acier pour le bandage des roues.

Près de 85 ans plus tard, axée surtout sur la vente aux particuliers, la quincaillerie Deville est toujours implantée au cœur de cette petite bourgade, dans les bâtiments d'origine aujourd’hui classés. Mais Jean Deville a laissé une autre empreinte dans la région. C’est grâce à lui, et à son associé de l'époque Jean Blanc, que Saint-Bonnet-Le-Château est devenue la capitale mondiale de la boule de pétanque. La société JB est effectivement née de l’industrialisation d’une invention des deux hommes : la conception d'une boule de pétanque à partir de l’assemblage de deux demi-coques d’acier. La boule JB envoie alors dans les oubliettes de l'histoire l'antique boule de bois, parsemée de clous.

Aujourd’hui, la marque JB appartient à la Boule Obut, tandis que le groupe Deville a poursuivi son développement dans les aciers, avec l’arrivée en 1958 dans l’entreprise d'André, le fils du fondateur. A la fin des années soixante, ce dernier acquiert un terrain à Saint-Marcellin-en Forez, qui lui donne les moyens de développer son activité de marchand de fers généraliste (fers plats, longs, à béton) en disposant de nouveaux moyens de stockage. Aujourd’hui, l’activité acier de Deville repose sur la vente de 13 000 tonnes d’acier par an sur les départements de la Loire, de la Haute-Loire, du Rhône et du Puy-de-Dôme.

De l'acier à la FI

En 1978, Deville s’associe à parts égales au Groupe Pum, soucieux de s’implanter dans la Loire. La décision de s'orienter sur une voie complémentaire aux aciers, la FI est prise en 1997, avec le rachat au Groupe PUM de la Société Suchail. Cette entreprise stéphanoise est née au 19e siècle de la vente d'outils miniers. Entièrement tournée vers la fourniture industrielle, Suchail réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires voisin de 7 millions d'euros pour 35 personnes, sur son site principal de Saint-Etienne et sur ses deux petites agences de Lyon et du Puy-en-Velay.

Deville et le Groupe Pum se séparent en 2004. Frédéric Deville, arrivé dans le groupe Deville depuis 1998, crée alors la holding FD Participations qui rassemble les différentes entités du groupe : Deville, Suchail mais aussi Boudal, activité de fournitures industrielles et négoce d’aciers basée à Thiers (63) et acquise en 2004 puis, en 2009, Lopez Fournitures Industrielles. Cette structure de 23 personnes réparties sur les sites de Valence et de Vienne a réalisé en 2013 un chiffre d'affaires de 4 millions d'euros.

S'appuyant désormais sur huit sites employant globalement 110 personnes, le groupe Deville réalise ainsi la moitié de son chiffre d'affaires de 25 millions d'euros sur les aciers et l'autre moitié sur la FI. « Il est plus simple de se développer en FI en partant des aciers, que l'inverse. J’ai rapidement compris que le marché de l’acier allait être de plus en plus soumis à des effets de cycles, avec des variations importantes. Il fallait saisir ces opportunités de développement. Sur un plan global consolidé, la FI permet de lisser la marge. Ses prix sont plus stables » explique Frédéric Deville. Si l’activité FI équivaut à 50% de l'activité du groupe, elle en représente ainsi 60% de la marge. « Notre développement dans la FI ne traduit pas un désengagement des aciers, au contraire » souligne Frédéric Deville qui se charge lui-même des achats aciers chez Deville, « mais il contribue à la poursuite du développement de l’entreprise ».

Multi-sites

Même s’il a depuis sa plus tendre enfance baigné dans l’atmosphère de l’entreprise familiale, Frédéric Deville n’était pas « programmé » à reprendre les affaires familiales. Il a d'ailleurs démarré sa carrière comme expert comptable et commissaire aux comptes. « Expert comptable, c’est bien mais ce métier ne permet pas de créer. J’avais envie de faire, d'entreprendre, pas de me contenter de faire faire, de conseiller. »

Lorsqu'il choisit de rejoindre son père, il débute non pas sur un siège de direction, mais occupe différentes fonctions au sein du Groupe Pum et chez Deville, y compris comme commercial itinérant. Il puisera dans cette expérience une meilleure compréhension des différents maillons qui constituent l'entreprise et un goût pour l'opérationnel. Aujourd’hui, il continue ainsi de suivre certains clients et part en tournée avec des commerciaux au moins trois fois par mois. « Mon expérience au sein du groupe Pum m’a également appris sur la gestion d'une entreprise multi-sites » ajoute-t-il.

Chacune des quatre entités du groupe est ainsi gérée de façon indépendante, avec à la tête une direction propre, Frédéric Deville ayant orchestré sa semaine pour passer une journée dans chacune des structures. Il veille même à ce qu’il y ait le moins possible de chevauchements géographiques pour éviter les batailles de position, toujours plus éprouvantes qu'enrichissantes.

Plutôt que privilégier une culture du groupe, il tient aussi à ce que chaque structure conserve son enseigne, même si des échanges existent entre les équipes et que certaines fonctions sont centralisées (financiers, ressources humaines, marketing...). « Le respect de chaque enseigne est fondamental. Je veux que chacun porte la bannière de la société à laquelle il est rattaché. A Valence, on est Lopez, pas Deville. Et à Saint-Etienne, on est Suchail. C’est cette proximité avec nos clients qui nous permet de continuer à nous développer. Moi, je ne suis qu’un lien entre les différentes entités. Si je fédérais les structures, je suis sûr que j’y perdrais en nivellement. Il existe des spécificités clients sur le plan local et notre but est de vendre ». Si chaque point de vente FI dispose de sa propre structure d’achat, certains articles, comme les consommables font toutefois l'objet de commandes groupées et sont stockés sur la plate-forme Deville de Saint-Marcellin-en-Forez.

Une dynamique humaine

Pour Frédéric Deville, la dimension humaine est ainsi une condition fondamentale du développement de l'entreprise, en interne comme vis-à-vis de l'extérieur. « J'ai toujours essayé d'embaucher des personnes qui connaissent mieux leur métier que moi. Comme je ne peux pas être tous les jours sur place, mon objectif est de favoriser l'autonomie et la confiance ».

De même, il cultive la promotion interne. Ainsi, le directeur général actuel de Suchail a débuté comme apprenti, et la responsable de la Protection comme assistante en comptabilité. « C’est un gage de respect. Quand les gens ont envie, il est important de ne pas couper cette envie d'entreprendre ». Dans le même ordre d'idées, le groupe accorde du temps et des ressources à la formation des jeunes. Sept ou huit apprentis sont ainsi actuellement en contrat de professionnalisation.

Cette dynamique humaine rejaillit évidemment sur l'extérieur, dans l'approche du client. La présence terrain est essentielle. « Notre force, c’est d’être là avec le client. Nous vendons les mêmes produits que les grands groupes intégrés. Nous n’avons donc pas la prétention d'être plus fort qu’eux. Mais qu’est-ce qui fait que l’on travaille toujours, que Suchail se positionne aujourd'hui comme un acteur significatif en Rhône-Alpes ? C’est l’approche humaine du client ! ». La force itinérante de Suchail, actuellement de sept personnes, sera ainsi renforcée en 2014. « Le principal enjeu à venir pour Suchail est d'affirmer sa présence sur son secteur. Avant d’aller voir plus loin, nous n'avons pas encore épuisé tout ce que nous pouvons faire chez nous, qu'il s'agisse de conquête clients ou de renforcer notre poids au sein de nos clients existants. Cela ne sert à rien d’être bons loin, si on n'est pas bons tout près » souligne Frédéric Deville qui toutefois n'exclut pas de nouvelles opérations de croissance externe, en fonction des opportunités mais aussi, là encore, des potentiels humains en présence.

Une proximité importante

Si depuis 2008, avec le contexte économique actuel, Frédéric Deville se concentre sur l’optimisation de la gestion de l’entreprise plutôt qu'à la croissance externe, il n'a jamais envisagé de réduire la force commerciale ou les stocks. Suchail s'appuie ainsi sur un stock d’environ 20 000 références, qui donne les moyens à l'entreprise de répondre à toutes les demandes d'une grande diversité de clients, sans oublier de réagir le cas échéant aux besoins hors plan de vente. « A mon sens, c'est une erreur de supprimer pour cause de période de crise, des éléments qui correspondent à la raison d’être de l’entreprise. Car moins de stock, c’est moins de ventes. Et comme on fait moins de chiffre, on ne stocke plus. Et à la fin, on ne fait plus de chiffre » explique le dirigeant. « Si les aciers peuvent se piloter par les stocks, pas la FI. Elle se pilote par les ventes. C’est un des rares métiers où j’observe que les actions commerciales ont toujours un impact rapide sur le terrain ».

Que ce soit chez Suchail ou chez Lopez, les deux structures ont cherché à développer leurs gammes, comme par exemple le soudage et la protection. Et l’an dernier, Lopez a transféré son point de vente de Valence pour qu’il bénéficie d’un emplacement plus visible tandis que Suchail a rénové le sien (bardage extérieur) en y ajoutant notamment un sas à l'entrée qui valorise l’accueil du client. Une partie importante des ventes s'effectuant à l'emporté, cette dimension est évidemment primordiale. « L'objectif est aussi de bien montrer dès l'entrée la diversité de l'offre et la densité du stock ».

Un adhérent Socoda convaincu

Pour développer ses gammes, notamment en ce qui concerne les EPI et le soudage, les équipes se sont appuyées sur les compétences de Groupe Socoda, groupement auquel Frédéric Deville adhère depuis 2001 pour la branche Outils Pro et 2004 pour les aciers. Chez Suchail, comme chez Lopez, les rayons soudage et protection sont placés chacun sous la houlette de deux personnes dédiées, responsables de leurs achats et de leurs stocks, pour leur donner les moyens d'une plus grande réactivité. Les deux établissements bénéficient d'ailleurs des labels Soudage et Protection, décernés par Groupe Socoda. Chez l'un et l'autre, le soudage figure il est vrai au sein du chiffre d'affaires comme la première famille de produits, suivie par la protection individuelle, l’outillage à main et l’outillage électroportatif.

Par ailleurs, si chaque site dispose de ses propres acheteurs, 70 à 80% des achats FI s'effectuent dans le cadre du référentiel Socoda et les équipes participent à toutes les commissions organisées par le groupement. Toutes les opérations commerciales inscrites dans le Plan d'Animations et d'Actions Commerciales du groupement sont également suivies, auxquelles s'ajoutent des opérations menées à l'initiative des points de vente et coordonnées par le responsable marketing du groupe. « Groupe Socoda accompagne depuis 2001 le développement de l'entreprise. Je trouve dans le groupement une dynamique, une grande compétence. Les échanges entre adhérents sont très constructifs. Pour un indépendant de ma taille, je ne conçois pas d'être seul sans Socoda, notamment dans les aciers. L’indépendance est portée très haut dans le groupe ».

Fidèle également aux engagements du groupement en matière de développement durable, le groupe Deville a été l'un des premiers à réaliser le bilan carbone de ses différents sites. Les enseignements qui en ont été tirés ont sans doute conditionné certaines décisions prises par la suite, en témoignent par exemple une refonte de la gestion des tournées en ce qui concerne l’acier avec la mise en place d’un budget transport, l'optimisation des livraisons en FI avec plus de départs de commandes complètes ou encore le choix de véhicules moins gourmands et moins polluants, sachant que le groupe dispose d'un parc de quarante-cinq véhicules de toutes tailles. De même, lors de la rénovation du point de vente de Suchail, Frédéric Deville n'a pas hésité à refaire entièrement le bardage ainsi que l'isolation. « Sans le bilan carbone, nous aurions peut-être adopté ces démarches de bon sens. Mais il nous a sans doute incités à être plus vigilants ».

Internet, un nouveau cap

L'apport de Groupe Socoda est également jugé essentiel pour le travail que mène actuellement le groupe en ce qui concerne la mise en place de la vente en ligne. Lopez dispose depuis l’an dernier d'un portail permettant l'accès du catalogue (tout ou partie) à certains clients. Le chantier est en cours chez Suchail et devrait aboutir fin 2014, avec également l’édition d’un catalogue papier. Ne disposant pas des mêmes cartes fournisseurs, les deux entreprises ne peuvent effectivement proposer le même catalogue. « Avec Internet, nous avons pris notre temps. Nous n'avions pas de demandes pressantes de nos clients et le but est avant tout d’avoir un site digne de ce nom et pas seulement un site vitrine » souligne Frédéric Deville.

Implanté sur un tissu industriel composé essentiellement de petites et moyennes entreprises, notamment des entreprises du bâtiment tournées vers la charpente métallique ou encore la serrurerie, ainsi que des collectivités territoriales, le groupe ne travaille il est vrai pas les grands comptes. « Je ne sais pas si Internet nous apporte de nouveaux clients. Mais une chose est sûre, cela nous empêche d’en perdre. C'est donc pour nous un moyen d'éviter l'évaporation ». En 2015, Frédéric Deville prolongera sa réflexion avec la mise en place d'un site marchand, ce qui supposera sans doute une nouvelle organisation dans l'entreprise.

« Avant tout, l'objectif est de chercher à satisfaire au mieux les besoins de nos clients, avec nos propres moyens, quitte à ne pas rester enfermés dans nos systèmes de fonctionnement actuel. Il faut parfois savoir penser autrement les choses ». A suivre. 
 

Agnès Richard

 

 

 

 

 

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