Les clés dynamométriques
Un segment porteur de l’outillage à main
L’exigence croissante d’assemblages de qualité dans les secteurs de l’industrie et de l’automobile tire le marché des outils dynamométriques et notamment le segment des clés. Echappant dans une large mesure aux aléas économiques, ce dernier poursuit un développement régulier et affiche la progression sans doute la plus forte de l’univers de l’outillage à main. L’offre en clés dynamométriques mécaniques et électroniques disponible sur le marché s’élargit et se sophistique, les acteurs du marché de l’outillage à main accordant une importance stratégique à cette famille qui traduit plus que tout autre l’expertise technique d’une marque de nature à lui faire gagner des parts de marché.
Tout atelier de production, de maintenance et de réparation dans les secteurs de l’automobile et de l’industrie a recours à l’utilisation de clés dynamométriques pour réaliser le serrage des boulons afin d’assurer des assemblages sûrs et pérennes. Outil de serrage contrôlé dont l’utilisation est obligatoire dans de nombreuses applications, la clé dynamométrique (la dynamométrie étant la mesure des forces) provoque une déformation élastique du boulon et présente l’avantage par rapport à un outil traditionnel de n’occasionner ni déformation ni rupture du boulon tout en évitant qu’il se desserre au fil du temps.
Plusieurs technologies
Avant d’aborder l’étude des clés dynamométriques mécaniques et électroniques qui font l’objet de ce dossier, on mentionnera que parallèlement à ces deux catégories d’outils faciles à mettre en œuvre en tout lieu, il existe des clés dynamométriques pneumatiques et hydrauliques nécessitant le recours à des installations spécifiques à même de leur fournir l’énergie dont elles ont besoin pour fonctionner. Capables de serrer à des couples très élevés qui atteignent couramment plusieurs milliers de Nm, ces dernières clés qui conservent néanmoins des dimensions modestes offrent un bon confort d’utilisation puisque la force est fournie par une source extérieure – son existence même constitue la principale contrainte d’utilisation de ces produits requérant un investissement élevé qu’il faudra rentabiliser. En outre, ces outils ne sont pas d’une grande précision et les serrages qu’ils permettent de réaliser demandent dans la plupart des cas à être ultérieurement contrôlés à l’aide d’une clé mécanique ou électronique. Fabriqués par des constructeurs spécialisés, les clés dynamométriques pneumatiques et hydrauliques répondent à des applications très spécifiques et assez marginales, contrairement aux modèles mécaniques et électroniques qui satisfont l’énorme majorité des besoins éprouvés dans les secteurs de l’industrie, de l’automobile, voire du bâtiment, notamment en charpenterie métallique
La mesure du couple
Un couple de serrage est défini par deux valeurs, la longueur du bras de levier et la force appliquée sur ce bras. Si la première est simple à mesurer, la valeur de la force qui y est appliquée est plus difficile à évaluer et nécessite le recours à une clé dynamométrique, un outil capable de mesurer cette force et d’indiquer la valeur du couple de serrage qui en résulte. Sur les modèles mécaniques, la stabilité des pièces mécaniques est presque toujours créée par un ressort de compression. Lorsque le couple de serrage pré-défini est atteint, la stabilité des pièces est rompue et la clé débraye plus ou moins fortement.
Sur les clés dynamométriques électroniques, la mesure du couple de serrage est assurée par des jauges de contraintes. Des éléments mécaniques sont positionnés sur l’axe mécanique de la clé qui, lorsqu’il est en mouvement, envoie de l’électricité dans ces jauges pour modifier leur résistivité. Le couple de serrage s’exprime le plus souvent en Nm (Newton-mètre) mais aussi en kgf.m (kilogramme force mètre, 1kgf.m valant 9,81 Nm), en lbf.ft (pound force foot, 1 lbf.ft valant 1,35 Nm) et en lbf.in (pound force inch, 1 lbf.in équivalant à 0,1129 Nm).
Avant d’évoquer les caractéristiques des différents types de clés mécaniques et électroniques, nous préciserons que ces outils sont destinés au serrage contrôlé des vis et boulons à droite et à gauche mais pas au desserrage, susceptible de les endommager (les clés du fabricant allemand Stahlwille sont, à notre connaissance les seules à échapper à cette règle grâce à une conception inédite).
Déclenchement ou cassure
Les premières clés dynamométriques mécaniques apparues sur le marché sont dites à déclenchement. Lorsque la valeur de couple préréglée est atteinte, le levier de commande est désaccouplé de la pièce de serrage, provoquant un déclenchement signalé à l’utilisateur par un signal sonore et sensitif. Alors qu’elles devaient autrefois être réarmées à chaque serrage, les clés à déclenchement bénéficient depuis de nombreuses années déjà d’un système de réarmement automatique. Théoriquement, le couple appliqué ne dépasse pas la valeur de consigne mais dans les faits, il lui est presque toujours supérieur (jusqu’à 25% selon certains fabricants), un temps de réaction après l’émission du signal de déclenchement étant nécessaire à l’utilisateur pour arrêter son action de serrage. Existant en version mono-couple (dans ce cas, elles ne possèdent pas de vernier pour régler le couple de serrage) ou réglables (de la finesse de graduation du système de réglage dépendra alors la précision de serrage), les clés mécaniques à déclenchement sont utilisables sur une vaste plage de couples de serrage, de 1 à quelque 2 500 Nm. Elles couvrent ainsi un très grand nombre d’applications et constituent de ce fait le type de clés dynamométriques le plus répandu sur le marché. Essentiellement utilisées en production et assimilables aux clefs à déclenchement, les clés à cassure ont un principe de fonctionnement similaire mais se déclenchent avec un angle bien supérieur. L’utilisateur dispose ainsi d’un temps de réaction plus long sans que la précision du serrage en soit affectée. Ces clés ont également une capacité de serrage supérieure à celle des modèles à déclenchement.
Débrayage complet
Relevant d’une conception développée ultérieurement aux clés dynamométriques qui viennent d’être évoquées, les clés mécaniques débrayables possèdent un mécanisme qui, comme leur nom le suggère, débraye totalement lorsque le couple de serrage voulu est atteint. Contrairement aux clés mécaniques, tout dépassement du couple de serrage est exclu avec ce type de clés mécaniques qui se voient grâce à cette caractéristique essentiellement dédiées aux serrages répétitifs selon la même valeur. L’une des spécificités de ces outils tient au fait que, dépourvus de vernier, ils sont pré-réglés à un couple de serrage unique (il est néanmoins possible de modifier la valeur du couple au sein d’une plage donnée sur un banc d’étalonnage). Une autre particularité de ces clés toujours équipées d’un cliquet réside dans l’impossibilité d’y adapter tout autre type d’outil. Destinées à serrer à des couples réduits qui n’excèdent généralement pas 100 Nm, les clés à débrayage ont un niveau de précision élevé.
Lecture directe du couple
Sur les clés à lecture directe, un autre type de clés mécaniques, aucun signal ne permet de savoir que le couple de serrage souhaité est atteint. L’utilisateur doit donc cesser d’appliquer la force de serrage lorsque la valeur du couple de serrage qu’il a fixée préalablement s’affiche sur le cadran de l’outil (d’où le nom de ces clés). Largement destinées au contrôle du couple, les clés à lecture directe mécaniques sont toutefois également utilisées dans les taches de production et de maintenance. Les clés électroniques relèvent elles aussi du système de lecture directe, à l’exception de très rares modèles à déclenchement. Et puisque l’on aborde le thème des clés dynamométriques électroniques sur lesquelles nous reviendrons plus loin, on peut ici évoquer l’existence de clés électromécaniques qui fonctionnent selon le principe des clés mécaniques, l’apport de l’électronique leur permettant toutefois d’avoir quelques fonctions supplémentaires comme des signaux d’arrêt du serrage concrétisé par des voyants lumineux ou un buzzer.
Elargir le champ des utilisations
Pour élargir le champ de leurs applications et les rendre plus polyvalentes, les clés dynamométriques peuvent être équipées de toutes sortes d’outils (clés à fourche, clés à œil, outils à souder...) correspondant à des dimensions d’emmanchement diverses, à l’exception déjà relevée des clés mécaniques à débrayage. Au chapitre des accessoires, il faut également citer les rallonges qui, en augmentant la distance comprise entre le manche de l’outil et le boulon, permettent d’appliquer une force plus élevée. Les multiplicateurs de couple jouent également ce rôle et permettent d’appliquer un couple de serrage qui peut être jusqu’à cent fois supérieur à celui pour lequel une clé dynamométrique a été initialement conçue. Concernant ce dernier type d’outillage, on peut relever qu’il fait l’objet de la part des fabricants de nombreuses innovations, à l’instar des clés dynamométriques elles-mêmes, visant à leur conférer des performances supérieures pour un poids et un encombrement sans cesse diminués.
Les Plus de l’électronique
Fonctionnant à piles ou à batteries, les clés électroniques sont dans de nombreux cas dotées d’une mémoire grâce au logiciel qui les équipe. Elles permettent ainsi d’assurer la traçabilité des serrages, une fonction qui constitue l’un des apports majeurs de l’électronique dans l’outillage dynamométrique. Transmises à un ordinateur de différentes façons (clé usb, wi-fi, bluetooth…), les données enregistrées peuvent faire l’objet de toutes sortes de traitement informatique ultérieur. Certains modèles de clés électroniques offrent même la possibilité d’une liaison radio qui permet le pilotage du serrage en temps réel, par exemple dans le cadre de la Fabrication Assistée par Ordinateur. L’avantage de l’électronique appliquée à la dynamométrie tient aussi à une précision de serrage plus élevée. En outre, sur certains modèles, cette précision est garantie tant que la clé n’indique pas de message d’erreur, ce qui permet d’effectuer des milliers d’opérations de serrage sans avoir à re-étalonner la clé. Outre le serrage au couple, certains modèles de clés électroniques réalisent le serrage angulaire, évitant ainsi à avoir recours à un cadran angulaire mécanique ou électronique après avoir utilisé une clé dynamométrique. De tels outils ‘‘deux en un’’ facilitent grandement le travail de l’opérateur et participent à accroître sa productivité tout en garantissant une parfaite précision du serrage.
Une précision durable
La précision de serrage des clés dynamométriques est régulièrement améliorée par les fabricants et certains modèles aujourd’hui disponibles sur le marché atteignent une précision de ± 3 % (voire ± 2 % dans des cas rares) en ce qui concerne les modèles mécaniques et de ± 1% pour les électroniques, se situant ainsi bien au-delà des exigences requises par la norme EN ISO 6789. On ouvrira ici une parenthèse en mentionnant que les fournisseurs recommandent d’avoir recours à un outil dont la capacité de serrage est largement supérieure au couple à exercer, une clé utilisée à un couple proche de ses possibilités maximum de serrage ayant tendance à se dérégler plus vite. Toutefois, comme le relèvent plusieurs fournisseurs, le cœur du marché des clés dynamométriques se situe à un niveau de précision de ± 4%, lequel répond à la plupart des besoins. Plus encore que la précision de l’outil, le maintien de cette dernière durant un nombre important de cycles d’utilisation est l’un des critères essentiels de qualité d’une clé dynamométrique et l’on peut constater que cette famille d’outils a fait l’objet d’améliorations régulières pour offrir une précision non seulement élevée mais aussi durable dans le temps. Il reste toutefois impératif de ré-étalonner régulièrement l’outil de serrage contrôlé (au minimum une fois par an), le premier étalonnage, dûment garanti par un certificat, étant réalisé en amont de la vente par le...











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