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juillet 2018

Gifec

Les 15èmes Rencontres du Gifec

Après l’e-commerce en 2014 et les objets connectés en 2016, « l’intelligence artificielle au service de l’entreprise » était le thème de réflexion choisi par le Gifec pour ses Rencontres 2018 qui se sont tenues le 31 mai à la Bnf - Bibliothèque François Mitterrand. 

Les interventions des experts en IA (intelligence artificielle) qui se sont succédé dans un auditorium de la Bibliothèque François Mitterrand auront sans doute permis de démystifier un sujet dont tout le monde parle sans toujours savoir ce qu’il recouvre exactement. Elles ont en tout cas beaucoup intéressé l’auditoire tout au long de cette soirée animée avec talent par le journaliste Frédéric Taddéi qui tenait le rôle du candide.  

Composé de distributeurs, clients utilisateurs, invités institutionnels et fabricants du Gifec – un groupement de fabricants de produits industriels qui compte 47 membres ayant une présence nationale et internationale forte et qui représentent un chiffre d’affaires cumulé de 8 milliards d’euros et un nombre total de collaborateurs proche de 28 000 – cet auditoire regroupait près de 200 personnes. Un niveau de participation qui, selon le commentaire de la secrétaire général du Gifec, traduit l’intérêt que revêt ce rendez-vous biennal pour les fabricants et les distributeurs de la filière Industrie. 

Se poser les bonnes questions 

En ouverture de cette soirée de réflexion sur l’intelligence artificielle, MM. Chevalier et Delmas, les co-présidents du Gifec, ont évoqué quelques-unes des questions que peut susciter la montée en puissance de l’intelligence artificielle dans la vie de nos contemporains, et, plus particulièrement dans les secteurs de la production et de la maintenance industrielle ainsi que dans celui de la distribution de ces produits où cette technologie est de nature à provoquer certaines craintes tout en ouvrant considérablement le champ des possibles : Les experts sont-ils voués à la disparition ? L’intelligence artificielle pourrait-elle déqualifier de nombreux professionnels au bénéfice de ceux qui sont dotés des QI les plus élevés ? Quels seront les emplois de demain ? Faut-il disrupter sa tactique opérationnelle ? Les business model actuels doivent-ils changer ? 

Mais au fait, qu’est-ce que l’intelligence artificielle ? Une définition communément admise évoque « la mise en œuvre d’un certain nombre de techniques visant à permettre aux machines d’imiter une forme d’intelligence réelle. » Mais encore faudrait-il définir les concepts de machine, et surtout d’intelligence...

Nous ne ferons pas ici, très loin s’en faut, le compte-rendu exhaustif d’une conférence au cours de laquelle sont intervenus sept experts, sans compter les dialogues qui ont pu s’instaurer de manière impromptue devant l’auditoire entre certains d’entre eux ayant des avis parfois divergents sur certains points (il semblerait en effet que plusieurs écoles existent en matière d’intelligence artificielle). Nous nous contenterons de vous donner, peut-être, quelques pistes de réflexion, en nous faisant l’écho dans les lignes qui suivent de certains propos et réflexions sur un nombre limité de sujets parmi tous ceux qui ont été abordés lors de la conférence. 

Conserver la valeur ajoutée dans nos entreprises 

Après avoir rappelé que l’IA a réellement décollé en 2011, avec le deep learning et le big data, Laurent Alexandre, urologue et chirurgien de formation, créateur de DNAVision, une société belge de séquençage d’ADN, s’est notamment exprimé sur la formation initiale dans notre pays en affirmant que les disciplines traditionnelles relevant de la culture générale et de la réflexion restaient plus que jamais d’actualité, car il ne faut pas oublier que ce « Ce sont les humains qui éduquent l’intelligence artificielle ». Cyril Ihssan, directeur de l’Ecole 101, réplique lyonnaise de 42, l’école parisienne créée par Xavier Niel en 2013 pour former des développeurs informatiques, se veut plutôt le tenant d’une formation où plaisir et créativité domine, loin des pratiques du passé. 

Recentrant le sujet sur l’industrie, Laurent Alexandre a pointé le retard de l’industrie européenne en matière d’intelligence artificielle (à titre d’exemple, il cite le fait que Total ait confié sa prospection pétrolière à Google) « L’industrie doit se moderniser grâce à l’IA sous peine de laisser filer toute la valeur ajoutée aux géants des techniques digitales, américains mais également chinois, les GAFA et autres BATX ». 

Une productivité supérieure grâce à l’IA  

Concernant l’impact de l’IA sur le mode d’organisation de l’entreprise, Stéphane Mallard, évangéliseur digital chez Blu Age, estime que le salariat est amené à disparaître au profit d’autres formes de collaboration et que l’IA qui va être disponible pour les entreprises va concourir à les rendre plus performantes. 

Pierre Richard, chargé du groupe IA chez Accenture Technology, abonde dans ce sens lorsqu’il indique que l’incorporation progressive d’algorithmes dans les process va faciliter la gestion des pièces détachées, ou celle des stocks, par exemple. Il mentionne une étude selon laquelle le gain de productivité d’une entreprise industrielle pourrait atteindre 38% d’ici 2035, grâce à l’IA, et si « ce pourcentage est peut-être excessif » selon lui, « le gain sera bien réel. » 

La maintenance prédictive, génératrice d’économies substantielles comme chacun le sait, est également un domaine amené à s’améliorer grâce à l’IA, comme le relèvent Ahmed Drif et Marc Bagur. Créateur de CYM, une entreprise spécialisée dans la maintenance prédictive, le premier attire l’attention de l’auditoire sur l’importance, pour les fabricants et les distributeurs de l’industrie de savoir qui possède le data et, quoi qu’il en soit, de ne pas le laisser s’échapper vers d’autres. Directeur Smart Factory/Industrie 4.0 chez ITECA, une startup spécialisée dans l’innovation industrielle, les technologies immersives et l’intelligence artificielle, Marc Bagur qui définit l’IA comme le moyen d’automatiser une tâche grâce à l’informatique via l’identification, la perception et le tri précise que « quel que soit l’objectif visé par l’intelligence artificielle, elle oblige à réinventer le dialogue entre l’homme et la machine ». 

Disruption ou stratégie des petits pas ? 

Adepte de la disruption et exerçant un métier lui- même disruptif, courant Outre-Atlantique et pratiquement inconnu en France, qui consiste à diffuser des idées sur le monde qui change, les nouvelles technologies et les nouveaux usages, Stéphane Mallard pense, à l’instar des autres intervenants de la conférence que l’interaction et l’humain ne sont pas substituables et ne le seront jamais. 

Pour Caroline Loisel, créatrice de Be Birds et animatrice de Hub Klub RH & Leadership, un club de réflexion traitant des nouvelles technologies et tourné vers les dirigeants d’entreprise, outre un défi technologique, la transformation digitale est un challenge culturel et humain qui impacte en profondeur l’organisation des entreprises qui n’ont d’autre choix que de muter vers un modèle ouvert propageant la culture de l’innovation, de l’agilité et du collaboratif. Pour elle, pas de disruption à opérer mais au contraire une stratégie de petits pas où le chemin pris, avec toutes les possibilités d’inflexion grâce à une grande agilité, compte plus qu’une destination finale fixée a priori. 

En conclusion à cette conférence, les co-présidents du Gifec ont réaffirmé que « Ceux qui possèdent le data seront les grands bénéficiaires de l’IA ». Ils voient dans le marketing l’une des fonctions qui a peut-être le plus à gagner dans les nouvelles technologies, car « s’approprier les attentes du client est un formidable atout et, dans cette optique, l’arrivée d’Amazon dans la filière Industrie ne sera pas neutre ». 

MM. Chevalier et Delmas ont également rappelé que le partage des bonnes pratiques est la mission principale du Gifec. « Le Gifec évoluera, le cercle de ses membres s’agrandira et leurs produits feront leur mutation. Toutefois, une chose est sûre, le travail humain et collaboratif réalisé au sein de cette organisation fait qu’elle aura toujours de bonnes raisons d’exister ». 

Dominique Totin 

Les conférenciers des Rencontres 2018 du Gifec 

• Laurent Alexandre, dirigeant de DNAVision, un des leaders européens dans les domaines de la génétique et de la génomique 

• Marc Bagur, Directeur de Smart Factory chez ITECA

• Ahmed Drif, Président de CYM-IOT 

• Cryil Ihssan, Directeur de l’école Le 101 (Lyon) 

• Caroline Loisel, fondatrice de Be Birds et animatrice de Hub Klub RH & Leadership

• Stéphane Mallard, « évangéliste » digital chez Blu Age 

• Pierre Richard, en charge du groupe IA chez Accenture Technology 

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