S'abonner à la revue
Retour
mars 2024

Les abrasifs appliqués

De nouveaux horizons se façonnent

Stimulé par le développement des nouvelles générations de grains céramiques et s’appuyant notamment sur les promesses du non-tissé, l’abrasif appliqué suscite toujours une demande forte de la part des industriels, tant sur l’enlèvement de matière et la productivité, que sur la finition et la qualité de l’état de surface. Ce consommable protéiforme a de beaux jours devant lui, même si cet outil technique exige un accompagnement fort de ses fabricants, en mesure de conseiller au mieux les utilisateurs finaux.

Ce n’est pas nouveau, les abrasifs appliqués séduisent les industriels. Cette famille de produits, dont le poids est grandissant au sein des chiffres d’affaires des fournisseurs spécialisés dans l’abrasif, n’en finit pas d’épouser les contours d’un marché de l’industrie en pleine mutation. Ces produits ne cessent de voir leurs propres lignes évoluer, sous l’effet d’une forte technicité et d’une amélioration constante de leurs performances qui, à défaut de ne pas les révolutionner, leur apportent toujours plus de perspectives nouvelles. Faut-il s’étonner alors que cet univers, après la période Covid marquée par de fortes croissances, s’en sorte plutôt bien, malgré un certain ralentissement de ses ventes dans l’industrie en 2023, notamment depuis la fin de l’été ?

A l’origine plus axé sur les menuisiers, l’abrasif appliqué a pris en effet une place d’excellence dans différents secteurs d’activités, notamment dans l’univers du métal. De l’ébavurage ou l’arasage d’un cordon de soudure à la superfinition, en passant par le décapage et le ponçage, les applications des abrasifs appliqués sont de plus en plus multiples. « En 2023, cette famille est en croissance significative pour notre activité MRO » explique Cyril Piffault, directeur des ventes France pour les marchés de l’industrie et de la réparation automobile de Saint-Gobain Surface Solutions.

Enlèvement et finition

Les différents acteurs du marché confirment la double tendance observée ces dernières années. L’abrasif appliqué pousse sur deux fronts. D’un côté, associé notamment au grain céramique, il répond aux besoins de forts enlèvements de matière (grosses métalleries, fonderies, charpenteries métalliques…), au détriment du disque à ébarber. De l’autre, il satisfait aux besoins d’une industrie européenne qui se concentre sur des fabrications à valeur ajoutée, demandant là aussi une technicité au profit de la qualité de la finition de l’état de surface. « Le marché de l’abrasif appliqué mute vers la finition, le confort et la rapidité de travail. Il suit la transformation du paysage industriel en France, dont les entreprises se concentrent aujourd’hui sur des fabrications à valeur ajoutée, qui demandent une technicité » confirme Eric Sense, directeur commercial de SAIT France. « Les abrasifs appliqués permettent ces finitions poussées. Donc le marché a de très beaux jours devant lui. »

L’évolution des process industriel joue aussi en sa faveur. « Lorsque les pièces sortent de fonderie, elles nécessitent moins de travaux de reprise. Donc, nous observons un déport du marché sur le disque fibre ou la bande abrasive, au détriment du disque à ébarber. Dans le domaine du métal, la demande est de plus en plus importante en termes de qualité de finition. Et comme ces produits conviennent parfaitement à ces utilisations-là, ils sont en pleine croissance » résume Smain Zemmerli, Key Account Manager France de Tyrolit.

Par ailleurs, les secteurs les plus prospères à l’heure actuelle, comme l’aéronautique, le médical, la pharmaceutique, la chimie, l’agro-alimentaire, l’armement sont très consommateurs d’abrasifs appliqués ou incorporés. « Certains marchés ralentissent, d’autres sont plus dynamiques. L’industrie automobile par exemple est en train de se transformer. Les voitures s’électrifient. En revanche, la consommation en disque papier, est toujours aussi importante car il y a toujours autant de préparation pour la peinture » ajoute Cyril Piffault.

Performance et réduction des déchets

La montée constante en performance de ce produit lui apporte certes de la valeur ajoutée, mais contribue aussi, en renforçant la durée de vie des produits et leurs performances, à ne pas favoriser les volumes. « Un enlèvement de copeaux amélioré, c’est donc moins de changements d’outils, plus de pièces usinées par temps de travail et un poste de travail sans graisse : telles sont les exigences de nos clients en matière d’abrasifs pour l’usinage de métaux non-ferreux tels que l’aluminium » explique Heiko Schaefer, chef de produit chez VSM. Les process industriels sont aussi moins consommateurs. « Les machines sont de mieux en mieux calibrées, donc elles consomment moins d’abrasifs. Et les produits avec de la céramique sont plus durables » observe Jérémy Barbe, directeur commercial France chez Klingspor. Le phénomène n’est pas nouveau, mais s’amplifie. Pour dix disques auto-agrippants en gain corindon, la consommation est ainsi passée à quatre disques en zirconium et à deux disques en céramique. « Donc même si le produit céramique est 30% plus cher, il est plus rentable. En ratio, il reste quand même 15% plus efficace que le zirconium. »

Ce haut rendement se répercute en confort de travail pour l’utilisateur et en réduction des déchets, du fait d’une consommation moindre et d’une durée de vie allongée, qui réduit les changements de consommable. « Avec les nouvelles générations de grain céramique, l’utilisateur force moins sur la machine, en a un meilleur contrôle. Il ressent moins de vibrations dans l’avant-bras et le coude. Cela veut dire moins de risques de TMS pour l’applicateur qui travaille toute la journée » souligne Patrick Jeanne, responsable régional des ventes pour les marchés de l’industrie et de la réparation automobile de Saint-Gobain Surface Solutions. Travaillant dans de meilleures conditions, celui qui travaille intensément sera aussi moins sujet à l’absentéisme. La machine, elle-même, est gagnante, puisqu’elle se trouve moins sollicitée.

Vaste palette

Globalement, les quatre principales familles restent inchangées : le disque fibre, le disque à lamelles, le disque auto-agrippant, la bande, l’ordre variant selon le positionnement des acteurs. Sachant que les contours de l’abrasif appliqué embrassent un univers de produits très vaste en termes de formes, de dimensions, de types – rouleaux, roues, plateaux, feuilles, bandes, triangles, disques, bandes, éponges, manchons, etc. – de façon à satisfaire à la diversité des applications et machines utilisées. « La dimension et la forme du produit sont liées à la machine. L’application va déterminer le support et la nature du grain » précise Jérémy Barbe. « Par exemple, le travail sur une prothèse médicale s’effectue souvent sur des courbes et il ne faut pas marquer la surface. L’application va donc avoir besoin d’une bande en coton très souple. En revanche, quelqu’un qui travaille sur de la plaque en acier va exiger une bande très rigide, pour qu’elle épouse parfaitement la surface plane de la tôle. »

Chaque abrasif appliqué se caractérise principalement par trois composants, qui lui confèrent ses propriétés exclusives : le gain abrasif de différentes granulométries (carbure de silicium, corindon, zirconium, céramique), d’un support (papier, toile, film polyester, fibre, non-tissé, cf. encadré) et d’un liant qui peut être doté d’additifs.

Discret, le liant est pourtant essentiel. Le plus répandu est formulé à base de résines synthétiques qui durcissent à la chaleur. L’application de ces résines nécessite au moins deux couches. Le premier encollage a pour but de faire adhérer le grain abrasif au support, en assurant un ancrage et une orientation appropriés. Après une phase de séchage ou cuisson, une seconde couche vient consolider le sertissage des grains. Ce liant de couverture peut intégrer des composants complémentaires destinés à améliorer les propriétés du produit abrasif, que certains désignent sous le terme de troisième couche, tels les traitement anti-échauffement qui accélèrent le pouvoir de coupe et réduisent la génération de chaleur, les anti-encrassants ou encore les anti-contamination, pour éviter le transfert de métaux ferreux sur une pièce. Certains permettent aussi une rétention de poussières réduite, ce qui contribue aussi à prolonger la durée de vie du produit. Ces composants contribuent d’ailleurs à donner leur coloration à l’abrasif appliqué et reflètent le savoir-faire des fabricants. « Pour le grain céramique Cerabond X, nous avons développé des liants spécifiques, contribuant à un encrassement moins rapide de l’abrasif et à diminuer l’élévation de température » ajoute Smaïn Zemmerli.

Le poudrage des grains est déterminant également dans l’application. Une distribution serrée ou fermée signifie que le support est recouvert de grains abrasifs, très serrés, pour obtenir des états de surface soignés. Lors d’un poudrage espacé ou d’une distribution ouverte, les grains couvrent 30 à 60% du support, au profit d’un enlèvement de matière important, l’évacuation des copeaux étant favorisée. Il existe encore le poudrage semi-espacé ou distribution semi-ouverte, dont la répartition est intermédiaire entre les deux premiers procédés.

Petits et gros grains

Les abrasifs appliqués se déclinent en quatre grandes catégories de grains : l’oxyde d’aluminium, le carbure de silicium, l’oxyde de zirconium et l’oxyde d’aluminium céramique, chaque famille comprenant différents niveaux de qualité.

Dur, tenace, bien adapté à l’ébarbage de matériaux de haute ductilité comme l’acier au carbone, les aciers alliés, le bronze et les bois durs, l’oxyde d’aluminium (également désigné sous le terme de corindon) est d’une utilisation assez universelle. Ce grain résistant à l’usure régulière se caractérise par une longue durée de vie et une capacité à se fracturer sous de faibles pressions, qui permet de produire ainsi de nouvelles arêtes de coupe. Des traitements thermiques permettent d’augmenter sa dureté pour accroître son pouvoir coupant.

Dur, très tenace et s’encrassant peu, le carbure de silicium donne un grain de forme plus allongée et possède des arêtes aigües plus friables, se régénérant mieux durant le travail. Très coupant, mais qui pouvant se décomposer rapidement, du fait sa friabilité, il est notamment bien adapté au ponçage des métaux non ferreux, comme la fonte.

De son côté, l’oxyde de zirconium est essentiellement destiné à l’enlèvement de matière. Sa fabrication à haute température permet d’obtenir un grain très résistant et doté d’une durée de vie plus longue que le corindon. La rupture contrôlée de ce grain produisant en permanence de nouveaux points d’abrasion aigus, il présente une agressivité élevée qui le prédestine à l’ébarbage grossier des métaux et de l’inox et à l’aplanissement du bois. Ce grain, de couleur bleue, est à l’origine du bleu Norton, la première marque du marché à avoir proposé des abrasifs à grain zirconium. Si le corindon et le carbure de silicium peuvent présenter des granulométries très fines, allant jusqu’à 5 000 ou 6 000, pour les opérations de finition, ce n’est pas le cas pour le zirconium dont l’intérêt premier, est l’agressivité et le fort enlèvement de matière, comme le céramique d’ailleurs.

Durable, résistant et dense, le grain céramique possède des particules de très petite taille qui se brisent lors de l’usinage pour produire de nombreuses arêtes coupantes. Il se régénère donc en permanence lors de l’utilisation...

Veuillez vous identifier pour consulter la totalité de l'article.

Vous avez perdu votre n° d'abonné. N'hésitez pas à nous contacter.

Vous n’avez pas de n° d'abonné ?
Abonnez-vous pour bénéficier de nos revues et l'accès à l'intégralité des articles !