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octobre 2018

Les chaussures de sécurité

Montée en gamme 

Le volume et à la valeur du marché de la chaussure de sécurité n’aurait pas connu de progression très sensible au cours de la dernière décennie. Loin de piétiner, ce marché est cependant en régulière évolution. Outre les améliorations techniques régulièrement apportées à des EPI dont les utilisateurs attendent un confort toujours accru, l’évolution porte aussi sur un changement dans les comportements d’achats. De plus en plus sensibilisés aux conséquences néfastes pouvant résulter du port de chaussures de fabrication médiocre, les acheteurs des entreprises feraient ainsi de plus en plus souvent le choix de la qualité. Souvent similaire à celui des modèles sports et loisirs portés quotidiennement par tout un chacun, le look des chaussures de sécurité continue quant à lui à jouer un rôle prépondérant dans le choix des acheteurs en magasins. 
Une pression concurrentielle de plus en plus forte traduit également l’évolution de ce segment du marché global de la protection de l’individu au travail qui reste porteur et attire sans cesse de nouveaux acteurs. 

Dans l’éventail des équipements individuels de protection, les chaussures régies par la norme UNI EN ISO 20345 présentent certaines spécificités dont celle d’être les produits les plus sujets à l’usure. Portées d’un bout à l’autre de la journée de travail, et parfois pour une durée plus longue encore, elles protègent le pied de divers dangers dont le choc dû à une chute d’objet sur les orteils ou la perforation de la plante par un objet pointu et/ou coupant, la glissade étant toutefois le risque provoquant les accidents les plus nombreux. Elles sont impliquées dans un nombre important de journées d’arrêt de travail, également à cause des atteintes à la santé des utilisateurs qu’elles peuvent occasionner dont les TMS et autres maux de dos. 

Les chaussures de sécurité joueraient même un rôle dans le climat social d’une entreprise aux dires de certains acteurs de ce marché dont l’un mentionne le déclenchement d’une grève à cause de l’inconfort des chaussures de sécurité fournies ! Même si cet exemple est peut-être un peu extrême, on peut toutefois affirmer que la chaussure est un vecteur essentiel de bien-être au travail. 

Une tige, des semelles et un système de fermeture 

La fabrication d’une chaussure de sécurité mêle opérations manuelles et automatisées, les premières ayant pour une grande partie d’entre elles déserté le sol français pour s’exercer dans des contrées plus ou moins lointaines, principalement au Maghreb et en Asie. Elle comporte les phases principales suivantes : la coupe des différentes pièces (en cuir ou en matière synthétique) composant la tige de la chaussure ; leur assemblage par piqûre ;  le positionnement manuel de l’embout protégeant les orteils des chocs et de l’écrasement ; l’assemblage de la semelle d’usure ou extérieure (elle est en contact direct avec le sol) sur la tige puis, pour certaines catégories de chaussures, le positionnement de la semelle (ou insert) anti-perforation ; le montage de la tige à la semelle dite ‘‘première de montage’’ sur une Strobel (du nom de la marque de la machine généralement utilisée pour ce type de piqûre). 

Outre les trois semelles différentes qui viennent d’être citées, une chaussure de sécurité comprend également une semelle intermédiaire (parfois appelée semelle ou couche confort) sise entre la semelle d’usure et la première de montage et, très souvent, une semelle de propreté au contact direct du pied, destinée à optimiser l’hygiène de celui-ci et généralement amovible. Certains accessoires, principalement ceux qui font partie du système de fermeture, entrent aussi dans la composition d’une chaussure ainsi, bien évidemment, que ceux qui sont destinés à protéger le pied des chocs et de la perforation – pour plus de commodité, nous emploierons souvent dans la suite de ce dossier le terme de chaussure pour désigner un produit conforme à la norme EN ISO 20345. 

Plusieurs procédés de montage 

Le choix de la technique selon laquelle la semelle d’usure sera assemblée à la tige dépend de plusieurs facteurs parmi lesquelles les applications auxquelles sera destinée la chaussure (travaux plus ou moins intenses, d’extérieur ou d’intérieur…), la matière de la semelle ou encore le coût de la technologie mise en œuvre. 

L’assemblage de la semelle à la tige par une piqûre simple ou double est une technique traditionnelle utilisée dans différents secteurs et notamment dans celui de la sécurité. Les chaussures dites cousues, généralement en cuir, présentent une robustesse élevée mais leur coût de fabrication important dû à de nombreuses opérations manuelles ont rendu moins fréquent ce procédé sur le marché des epi où il conserve toutefois des adeptes. 

Dans les chaussures à semelles collées, également dites soudées, le montage est réalisé comme cette dénomination l’indique, par collage de la semelle à la tige. Ce procédé répandu, notamment dans la fabrication des chaussures de type sneakers, permet d’obtenir une semelle qui allie finesse et solidité. La possibilité d’utiliser pour la semelle toutes sortes de matières synthétiques compte parmi les avantages de cette technologie plus coûteuse que celle de l’injection de la semelle, un troisième procédé qui se taille la part du lion sur le marché. Avant d’évoquer plus en détail cette dernière technologie et certaines des matières pouvant entrer dans la composition des semelles injectées et collées, il faut mentionner l’existence d’un quatrième procédé, la vulcanisation. Cette technique selon laquelle sont fabriqués les pneus consiste schématiquement à presser sur la tige de la chaussure une bande en caoutchouc avant qu’un moule ne confère sa forme à la semelle qui résiste ainsi à une chaleur très élevée. Encore utilisé pour la fabrication de chaussures portées dans l’industrie lourde ou les TP, ce procédé semble toutefois voué à disparaître selon les propos des fabricants qui l’utilisent encore. 

La suprématie de l’injection 

Apparu dans les années 1990, le procédé d’injection de la semelle sur la tige de la chaussure représenterait aujourd’hui 70 à 80% du marché de la chaussure de sécurité, devançant nettement selon les fabricants celui de la semelle collée. Ayant connu de régulières améliorations, surtout liées à celles que les chimistes ont apportées au polyuréthane, la matière reine dans cette technologie, le procédé de l’injection présente le double avantage de permettre l’automatisation de la fabrication des semelles extérieures et intermédiaires et de garantir  un assemblage semelle/tige très solide. Grâce à son coût limité, bien que l’investissement soit élevé en carrousels (les machines sur lesquelles la matière est injectée dans des moules pour former les semelles montées sur les tiges des chaussures, elles-mêmes placées sur des formes), cette technique a joué un rôle majeur dans le maintien, et dans certains cas la relocalisation, de la fabrication des semelles dans les ateliers français de marques réputées.

Pour favoriser la fabrication de chaussures en phase avec les attentes des utilisateurs, c’est-à-dire légères, confortables, esthétiques et solides, la gamme des matières utilisées pour la fabrication des semelles injectées et collées s’étend aujourd’hui bien au-delà du polyuréthane (PU), une matière qui a succédé dans la fabrication des chaussures de sécurité à un autre polymère, le PVC, qui ne semble plus guère utilisé à cet effet.  

Plus de matière pour plus de qualités     

Les semelles en PU mono-densité sont encore nombreuses sur le marché, mais les chaussures de moyenne et haut de gamme sont aujourd’hui très souvent équipées de semelles en PU2D (pour polyuréthane double densité) superposant une semelle d’usure de densité élevée, pour la  résistance à l’abrasion et l’adhérence au sol, et une semelle intermédiaire de densité plus faible donc plus souple et plus confortable. 

D’autres polymères et élastomères, comme le polyuréthane thermoplastique (TPU) et le nitrile, un caoutchouc synthétique apprécié pour sa forte résistance à l’abrasion et à la chaleur par contact, sont venus étendre la gamme des matières entrant dans la composition des semelles qui, comme nous venons d’y faire allusion, peuvent être fabriquées à partir d’une même matière, parfois en deux densités différentes, ou en deux couches de matières différentes, dans les deux cas pour allier résistance et confort. 

Dans le registre des matières synthétiques qui se sont plus récemment fait une place dans le domaine de la sécurité, il faut mentionner l’EVA (éthylène-acétate de vinyle), un matériau qui s’est déjà imposé dans l’univers du running. Souvent associée au caoutchouc dans les semelles des chaussures de sécurité, cette matière souple cumule les qualités d’absorption des chocs et de production d’une effet ‘‘rebond’’. 

La gamme de matières synthétiques dont la cohabitation sur une même chaussure permet donc de multiplier les atouts d’une chaussure ne peut aller qu’en s’élargissant, surtout si l’on considère la baisse prévisible de la disponibilité du cuir sous l’effet conjugué de différents facteurs : diminution de la consommation humaine de viande, demande croissante de cuir sur le marché mondial ou encore montée en puissance du véganisme dans certaines régions du monde, et notamment en Europe occidentale. Selon plusieurs fabricants, le ‘‘Cruelty free’’,  traduisez un produit exempt de toute matière d’origine animale, serait un argument pris en compte par un nombre croissant d’utilisateurs de chaussures de sécurité. Ce qui n’empêche pas le cuir de conserver une image haut de gamme et de rester très apprécié dans certains secteurs comme le BTP où il faut travailler dans l’eau ou le béton, le cuir pleine fleur s’imposant même avec les enrobés. 

La sécurité d’abord

Selon que les chaussures de sécurité sont choisies par le porteur lui-même se rendant dans le point de vente de son distributeur (comme c’est le cas des employés de nombreuses structures de petites tailles dans les secteurs du bâtiment, de l’entretien des espaces verts ou encore de l’agriculture) ou par l’acheteur d’une entreprise, les attentes diffèrent. Ainsi la légèreté, la souplesse et le look des chaussures seront privilégiés par la première catégorie, eux-mêmes utilisateurs des produits, tandis que les représentants de la seconde catégorie de professionnels auront tendance à privilégier un prix bas. Toutefois, selon les propos de divers fabricants, il semblerait que la gestion du risque soit un critère d’achat de plus en plus souvent pris en compte. 

Il faut en effet garder en tête qu’une chaussure de sécurité est, comme son nom l’indique, destinée avant tout à conserver à l’utilisateur son intégrité physique en évitant en tout premier lieu qu’il ne glisse, la glissade figurant parmi les toutes premières causes d’accident dans les entreprises. L’optimisation de l’adhérence au sol d’une chaussure, son ‘‘grip’’, figure ainsi parmi les tout premiers axes de recherche des fabricants, une recherche souvent menée en partenariat avec des spécialistes des semelles visant notamment à déterminer les types de semelles (matière, forme, dessin, cramponnage…) les plus performantes en termes d’adhérence en fonction de la nature du sol, des conditions climatiques et de la température. 

Les fabricants ont dans leur ensemble bien perçu les attentes légitimes des utilisateurs dans les domaines touchant au confort et au look des chaussures, mais aussi à la sécurité de l'utilisateur. Ce dernier critère est bien sûr fondamental. Comme le rappelle Jean-Pierre Boutonnet, directeur commercial de Lemaitre  « La mission principale d’une marque de chaussures de sécurité est de protéger l’utilisateur, presque malgré lui ». Et de citer, pour illustrer son propos, l'exemple de l'introduction il y a une dizaine d’années par Lemaitre des chaussures équipées d’un système de protection exclusif, un double insert acier et textile protégeant de la perforation par les pointes de chantier 100% de la plante du pied.  

Des semelles antifatigue 

Amortir les chocs au talon provoqués par la marche est l’une des problématiques majeures à laquelle les fabricants de chaussures de sécurité se sont toujours efforcés d’apporter des réponses à travers l’utilisation de matières ayant une capacité (variable selon les matières) d’absorption des chocs. Pour diminuer encore la fatigue de l’utilisateur, il convient, une fois le choc absorbé par dissipation de l’énergie produite, qu’en soit restituée une partie qui provoquera un effet ‘‘rebond’’ diminuant l’effort à fournir. 

Outre le recours déjà mentionnée à certaines matières comme l’EVA, des technologies spécifiques visant à diminuer sensiblement la fatigue de l’utilisateur ont été mises au point. On peut sur ce registre évoquer le lancement encore récent par des marques de U-Group (dont Jallatte et U-Power) d’une semelle fruit d’une technologie exclusive reposant en partie sur l’utilisation d’une matière (Infinergy™) mise au point par BASF alliant des propriétés mécaniques du TPU et les caractéristiques d’une mousse conjuguant résistance, élasticité, souplesse et légèreté. Cette semelle intègre en outre des inserts en E-TPU (polyuréthane thermoplastique expansé), une matière à mémoire de forme comprenant des microalvéoles d’air et présentant la particularité d’absorber les chocs et de restituer plus de 50% de l’énergie reçue pour faire bénéficier l’utilisateur en station debout prolongée d’un effet antifatigue prouvé par des tests du CTC (Centre technique de la Chaussure) de Lyon. Dévoilée à l’occasion d’Expoprotection 2016, la gamme J-Energy dont la fabrication vient d’être relocalisée dans les ateliers cévenols de la marque s’enrichit maintenant d’une collection BTP en cours de lancement, présentée pour la première fois à Préventica Bordeaux ce mois d'octobre 2018. 

D’autres fabricants ont récemment sorti eux aussi des chaussures équipées d’une technologie visant le même objectif, comme par exemple la marque Vismo commercialisée par Seeds qui déploie le système NRG 55 qui renvoie 55% de l'énergie absorbée sur l'ensemble de la semelle.  

Vecteur de bien-être au travail 

Lorsque l’on sait que les personnes travaillant dans certains secteurs (atelier de production de certaines industrie ou plate-forme logistique, pour citer deux exemples) peuvent parcourir chaque jour en moyenne 10 à 15 km, qui plus est en piétinant, on comprend aisément qu’être équipé d’une chaussure confortable n’a rien d’un luxe mais a largement à voir avec la santé au travail. Un tel équipement pouvant être à la source de TMS, sensation de jambes lourdes et autres douleurs ligamentaires, le confort figure même parmi les fonctions primordiales d’une chaussure de sécurité.  

Les fournisseurs qui se sont exprimés sur ce sujet ont tous mentionné une montée en qualité régulière perceptible sur le marché. Pour résumer leurs propos concordants, la prise en compte grandissante de l’aspect humain dans les entreprises a mené à une prise de conscience par la plupart des acheteurs du bien-fondé d’équiper les équipes de leurs entreprises de chaussures confortables. Un choix qui relève aussi d’autres considérations. « Nous constatons que les chaussures de qualité sont de plus en plus souvent achetées dans l’industrie pour des raisons économiques » explique J-P Boutonnet, « Si  l’on part de l’hypothèse qu’une paire de chaussure de qualité a une durée moyenne d'une année, des chaussures de qualité médiocre dureront beaucoup moins longtemps. Au final, ce dernier choix n’a pas de pertinence économique ». 

Lorsque l’on évoque le confort d’une chaussure, on pense d’abord à sa souplesse et à sa légèreté (sur ce dernier critère de choix important, on rappellera au passage que le poids et la durabilité d’une chaussure sont intimement corrélés et qu’une extrême légèreté et une grande durabilité sont des caractéristiques techniques difficilement conciliables). Même si ces deux aspects jouent effectivement un rôle primordial dans le confort du produit, cette notion passe pour ainsi dire par tous les aspects de la chaussure, de son chaussant aux matières de la tige et de la semelle, de la doublure au système de fermeture, de la présence ou non de coutures, etc.  

Toujours plus de confort 

Les systèmes de protection sont eux aussi importants dans le confort de la chaussure, à cause de leur rôle déterminant dans le poids de la chaussure. C’est pourquoi l’acier des coques de protection et inserts anti-perforation s’est vu rejoint par des métaux plus légers, comme l’aluminium ainsi que par des composites et autres textiles techniques, certaines des matières utilisées ne conduisant ni le chaud ni le froid. 

Du côté des tiges, l’introduction dans les techniques de fabrication de certaines technologies comme le thermocollage ou le soudage haute fréquence des pièces composant la tige excluant toute couture susceptible de blesser le dessus du pied jouent aussi en faveur d’un confort accru des chaussures, de même que les matières utilisées. Le recours à des tissus faits d’un tissage de matériaux et de fibres techniques qui apportent souplesse et confort à la tige, tout en permettant aux créateurs des modèles de donner libre cours à leur imagination, se fait de plus en plus fréquent. 

Les chaussants, proposés jusque dans quatre largeurs différentes dans certaines collections,  s’adaptent à toutes les morphologies de pied. L’hygiène est elle mieux prise en compte et des semelles de propreté amovibles, respirantes et antibactériennes, parfois lavables, équipent...

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