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avril 2023

Protection de la main contre les risques mécaniques

Prise en main de nouveaux risques

La protection de la main contre les risques mécaniques concerne la majorité des professionnels de l’industrie, du bâtiment, de la logistique et des transports. Symbolisant bien l’évolution de ces gants en faveur du confort, l’anti-coupure affiche des niveaux de protection de plus en plus élevés, tout en cultivant sa souplesse pour mieux préserver sa dextérité. Compte tenu de la maturité de cet univers, de nouveaux risques émergent également, comme la protection contre l’impact ou la piqûre d’aiguille qui témoignent de la volonté de protéger toujours mieux le porteur dans ses fonctions, tandis que la dimension environnementale entre de plus en plus dans le jeu.

Un accident à la main survient toutes les 22 secondes en France… Le gant de protection n’a pas usurpé sa mission. Coupures, brûlures à la chaleur ou aux produits chimiques, froid, piqûres, déchirures, décharges électriques, chocs, écrasements et autres allergies, la main est soumise à rudes épreuves. Elle est, d’ailleurs, dans de nombreux métiers, la zone du corps la plus exposée et donc la plus sujette à des accidents. Chaque année, quelque 466 000 accidents professionnels liés à la main sont ainsi recensés par l’Assurance Maladie, dont 60% ont pour origine une manutention ou l’utilisation d’un outillage. Et 27% donnent lieu à un arrêt de travail, avec une incidence économique non négligeable, évaluée à environ 1,9 milliard d’euros (coûts directs et indirects). Ils aboutissent même, dans 1,6% des cas, à une incapacité physique. 

Des risques partagés par tous

Tous les opérateurs qui exposent de manière fréquente ou occasionnelle leurs mains à des risques d’abrasion, de coupure ou de perforation, dans les métiers du BTP, de l’industrie (assemblage, montage, maintenance…), de la métallurgie et du verre, du commerce et des services (manutention, déplacement d’objet, transport…) sont concernés par le port d’un gant de protection contre les risques mécaniques, répondant à la norme EN 388 : 2016. Compte tenu de la diversité des professions auxquels elle s’adresse, cette typologie de gant est en tête de proue de la protection de la main. « Le risque mécanique apparait quasiment dans tous les métiers. On peut avoir des risques complémentaires, mais la présence, par exemple, d’un risque chaleur ne veut pas dire qu’il n’y pas de risques mécaniques » commente Laurent Singer, directeur général de Singer Safety, dont le gant de protection est depuis 80 ans l’un des points forts de l’entreprise, même si elle a, depuis, élargi son offre à d’autres familles des EPI. 

Les caractéristiques de ce gant sont identifiables par un pictogramme avec un marteau symbolisant la résistance dite mécanique dudit gant, associé à plusieurs chiffres précisant le niveau de résistance testé aux agressions suivantes : abrasion, coupure, déchirure et perforation. Il peut être complété d’une ou deux lettres, précisant le niveau de coupure et sa capacité, le cas échéant, à résister à l’impact.

Cet univers représente donc l’essentiel des volumes du marché des gants de protection, devançant les gants spécifiquement conçus contre les risques chimiques – dont une bonne part relève du jetable – et ceux contre les risques thermiques. Il s’agit d’un marché mature en termes de volumes de vente, ce qui n’empêche pas une innovation constante. « En France, nous dépendons du développement de nos industries. Aujourd’hui, de plus en plus de tâches sont robotisées. Le marché reste donc stable, avec une croissance surtout sur des besoins spécifiques et sur des produits de plus en plus fins  » constate Sandrine Rostaing, directrice marketing et commerciale de Rostaing, entreprise qui reste l’une des rares sur ce marché à se positionner comme monospécialiste, avec deux sites de production à Casablanca, au Maroc. « Nous constatons une progression des spécificités secondaires qui deviennent prioritaires comme la respirabilité ou le tactile pour que le gant se fasse oublier et qu’on n’ait pas envie de le retirer, et tout ce qui peut apporter du confort » ajoute Stéphanie Burgio, Group Marketing Manager de Coverguard, acteur qui dispose notamment de sa propre unité de production de gants, en Asie. 

Certes, si les produits deviennent de plus en plus techniques et confortables, au profit d’une montée en gamme du marché, les tensions actuelles concourent à un regain d’intérêt pour une demande axée sur le prix. « Il y a toujours eu un marché de prix et de qualité » nuance Julien Ménard, directeur commercial de PIP France, filiale du numéro un américain du gant anti-coupure (marque G-Tek). « Mais nous observons une demande sur des produits innovants qui vont apporter du confort. Si l’opérateur n’est pas bien avec son gant, il ne va pas le mettre. Et s’il ne le met pas, il s’expose à un accident qui coûte bien plus cher à l’entreprise que le prix du gant à la base ».

L’anti-coupure en force

Le segment de marché qui, visiblement, est toujours autant plébiscité, est le gant anti-coupure. Faisant face à des risques très présents en atelier ou sur un chantier où les causes de coupure sont nombreuses (manipulation de pièces coupantes, fixes ou portatives, manipulation d’objets tranchants ou de matériaux coupants), le gant anti-coupure représente effectivement la majorité des demandes.

La révision de la norme EN 388 en 2016, qui a contribué à améliorer la précision et la fiabilité des tests de résistance à la coupure, a probablement favorisé l’émergence de gants anti-coupure à plus forte valeur ajoutée. Désormais, deux méthodes de test sont utilisées. Le « Couptest » calcule le nombre de cycles nécessaires pour couper le gant sous une pression de 5N (environ 500 g). Il se traduit par des chiffres de 1 à 5, sachant que niveau 5 indique une force supérieure ou égale à 20 Newton. 

En cas d’altération, un autre test est obligatoirement réalisé suivant la méthode dite TDM. Elle a recours à une lame droite qui parcourt une distance de 20 mm soumise à une force variable. Cette force nécessaire est classée en six niveaux, de A à F, exprimant en Newton, la force à laquelle le gant a résisté. Le niveau A indique ainsi une résistance de 2 à 4,9 Newton, soit une pression d’environ 200-500 g, permettant donc de protéger la main à un faible risque de coupure. A l’autre bout du spectre, le gant de niveau F est en mesure de résister à une force d’au-moins 30 N, soit 3 à 4 kg, ce qui le rend performant face à la manipulation d’objets lourds et tranchants.

Actuellement, les gants de niveau B (entre 5 et 9,9 N, soit environ 500 g à 1 kg) et C (entre 10 et 14,9 N, soit entre 1 et 1,5 kg), autorisant la manipulation de petits objets pointus et tranchants, semblent représenter la majorité des ventes, bien que tous les acteurs du marché observent une demande croissante en faveur des gants de niveau D, voire F. Un gant de niveau D résiste à une pression située entre 15 et 21,9 N (soit entre 1,5 et 2,2 kg). 

Néanmoins, certains gants dépassent largement le niveau F, sans que leur niveau de performance soit reconnu par la norme européenne. Il faut alors se référer à la norme américaine Ansi, qui dispose de 9 niveaux allant jusqu’à 60 N, le A6 correspondant à notre niveau F. Quand c’est le cas, les marques indiquent alors ce niveau de performance dans la notice technique du gant concerné, information pouvant intéresser ceux qui sont confrontés à un risque coupure très élevé. Certains acteurs, à l’instar du Suédois Ejendals (marque Tegera) n’hésitent pas non plus à préciser les niveaux de performances de leurs gants, à l’intérieur d’un niveau, notamment si ce dernier se situe dans la limite supérieure. « Un gant de niveau B qui résiste à 6 ou 9 N, cela fait une grosse différence au poste. Nous faisons partie des rares fabricants qui communiquent sur les tests » indique Yoann Barray, responsable de secteur. « Nous remarquons aussi que des coupures ont souvent été faites en essayant de rattraper un objet, donc un mouvement brusque avec une force importante. Dans l’analyse des risques, il est important d’étudier comment s’est faite, le cas échéant, une coupure. »

Se faire oublier

Certes, si l’activité ne comporte pas de risque majeur en termes de coupure, les plus hauts niveaux d’exigence ne sont pas requis. Néanmoins, se conformant à l’adage du « qui peut le plus, peut le moins », les acheteurs français préfèrent souvent opter pour les protections anti-coupure supérieures. Cet intérêt est lié aussi à la mise en marché de gants anti-coupure de plus en plus fins capables d'offrir des niveaux de performance élevés. Cette typologie symbolise bien l’évolution du gant contre les dangers mécaniques qui, en se perfectionnant, cherche aussi à se faire oublier afin de mieux préserver l’utilisateur. L’heure n’est plus au gant anti-coupure rigide et épais qui entrave les mouvements. Ainsi, les gammes se sont enrichies de modèles résistant à la coupure de niveau D ou même F en jauge 18. Très récemment, des gants en jauge 21 sont même apparus, par exemple chez PIP, pour un gant de niveau D. « Jusqu’à présent, les utilisateurs avaient tendance à croire que plus le gant était épais et raide, plus il allait les protéger contre la coupure » précise Julien Ménard en évoquant l’image de la parka qui autrefois devait être épaisse pour tenir chaud et qui, aujourd’hui, privilégie des couches fines, très techniques. « Ce sont des produits que l’on essaie de faire de plus en plus fins car la problématique de l’utilisateur est de conserver une bonne dextérité. Quand on travaille toute la journée avec un gant épais, la fatigue de la main est aussi plus importante. Le client est aujourd’hui très sensible à la notion de confort » ajoute Laurent Singer. 

Au-delà du confort de port, toutes les marques se rejoignent effectivement sur le fait que la dextérité offerte par la souplesse du gant permet aussi de réduire la fatigue gestuelle, en facilitant la flexion des doigts, ce qui n’est pas négligeable surtout lors de gestes répétitifs. Un équipement souple, préservant le mouvement de la main et des doigts, contribue donc à diminuer les risques de TMS. Ces gants plus fins incitent aussi les entreprises à mieux protéger leurs salariés, en prenant en compte des risques anti-coupures faibles ou les micro-coupures, parfois occasionnels mais bien réels. Comme par exemple dans la logistique, où l’opérateur peut se faire une micro-coupure avec son gant en PU en ouvrant un carton, certes peu grave mais nécessitant l’arrêt de son travail le temps qu’il aille chercher un pansement. 

Rappelons que sur un support tricoté – soit la grande majorité des ventes –, la jauge détermine le nombre d’aiguilles comprises dans un pouce anglais (2,54 cm). Plus la jauge est élevée, plus le tricot est fin et meilleure est la dextérité. Plus elle est basse, plus le gant est épais, et meilleur est le niveau de protection. Pour compenser une faible épaisseur et apporter la protection nécessaire, le support tricoté associe des fibres de haute-technicité, comme le polyéthylène haute-densité tissé avec un polyester et de l’élasthane, avec du fil d’acier, ou encore des aramides, utilisées aussi dans les gilets pare-balles. Certaines marques développent également leurs technologies propres. « Les produits sont plus fins car l’utilisateur recherche des produits qui peuvent être portés pendant huit heures et qu’il enlève seulement à la fin de son travail. Les fournisseurs de fibres sont en mesure aujourd’hui de nous fournir des fils très fins, très denses, très confortables » confirme Olivier Poisson, chef de produits Uvex. Et lorsque la fibre de verre est utilisée, elle est guipée à l’intérieur d’un autre fil, plus doux, puis tricotée de façon à que la partie douce soit en contact avec la peau et la partie protectrice à l’extérieur. Ce matériau, en contact direct avec la peau, a en effet tendance à être irritant. 

L’enduction exerce également un rôle dans la résistance à la coupure et bien entendu dans la souplesse du produit, grâce à des matières ultra-flexibles. D’autres paramètres jouent encore sur la perception du confort, et contribuent à faire disparaître toutes les contraintes liées au port de cet équipement de protection comme la respirabilité, son absence d’irritation, mais aussi plus simplement son bon ajustement, avec un éventail croissant de tailles disponibles, de 5 ou 6 au 12, en stock si possible.

Effet choc

S’il fait encore figure de niche, un autre risque monte en puissance dans les gammes, pris également en compte, de façon optionnelle, par la norme EN 388 : la protection à l’impact. Mesuré selon la norme EN 13594 : 2015, le test de la résistance à l’impact se traduit par la présence de la lettre P, portée en dernière position dans le marquage obligatoire du gant. Elle atteste du maintien de l’intégrité du gant, suite à la chute d’un poids de 2,5 kg avec une énergie de 5 joules. « Dans les risques mécaniques courants, comme l’anti-coupure, on protège la personne du risque lié aux objets qu’elle manipule. Avec l’anti-choc, on cherche plus à prévenir une possible maladresse pouvant générer à un moment donné un choc sur les doigts ou le dos de la main » observe Sandrine Rostaing, en annonçant le renouvellement de sa gamme anti-impact pour 2024.

Quand, précédemment, ce type de gant était réservé à certaines professions comme par exemple les équipes de secours pour les opérations de désincarcération ou ceux qui manipulent les bouteilles de gaz, il est de plus en plus pris en compte dans les manipulations courantes, qui n’échappent pas toujours à des chocs voire à des écrasements au niveau des doigts, même accidentels. La demande monte ainsi dans la pétrochimie, l’éolien, les installations portuaires ou les transports bien que les ventes soient encore minimes.

Le gant anti-impact prend la forme de renforts de différentes technologies, au dessus de la paume, parfois cousus, et qui contribuent inévitablement à renforcer l’épaisseur du gant, même si tous cherchent à préserver au maximum la dextérité. D’ailleurs, souvent, le dessus du gant est comme strié de façon à limiter la rigidité. « Le choc est de plus en plus demandé. Ce n’est pas parce qu’il y a plus de manipulations...

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