Protection de la main (risques mécaniques)
La dextérité fait main basse sur le marché
Les gants de protection contre les risques mécaniques représentent la partie la plus importante du marché du gant professionnel. L’évolution constante des fibres et enductions contribue à la dynamique de cet univers, en invitant les acteurs du marché à proposer des équipements durables toujours mieux adaptés au professionnel et aux conditions de son poste de travail, avec un critère de plus en plus fort dans les paramètres de performance du gant : le confort, associé à la dextérité.
Plus de 1,4 million de blessures à la main sont relevées en France annuellement, dont 1,2 million surviennent sur le lieu de travail. Ce décompte (source Revue du Praticien) montre toute l’importance de protéger de façon préventive la main, conformément d’ailleurs aux obligations des employeurs précisées dans le code du travail à l’article L. 4121-1. Globalement, la main concerne 28% des accidents du travail avec, derrière, de multiples conséquences, à commencer par une période d’arrêt de travail prolongé et un risque d’incapacité à la reprise du poste de travail, sans nier bien entendu l’impact psychologique et social.
La main se révèle finalement comme la zone du corps la plus exposée et donc la plus susceptible d’être blessée, soumise à tout type de sollicitations pouvant provoquer de multiples agressions plus ou moins graves : coupures, piqûres, brûlures à la chaleur ou aux produits chimiques, décharges électriques, chocs, allergies, froid, etc.
La protection contre les risques mécaniques (abrasion, coupure, déchirure, perforation), qui fait l’objet de ce dossier, représente la première source des accidents pris en compte par les entreprises, si l’on se réfère au poids de ces gants sur le marché, dont ils représenteraient plus de 50% des volumes, par rapport aux enjeux chimiques et thermiques. Cette catégorie de gants ne démérite pas non plus côté chiffre d’affaires puisque leur valeur unitaire peut être élevée, du fait notamment du développement des gants anti-coupure. Il faut bien reconnaître que le risque mécanique n’épargne aucun secteur d’activité : travail sur machines, manutention manuelle et mécanique, industrie (meulage, ébarbage, manipulation de plaques de verre, de métal, d’objets tranchants...), bâtiment (démolition, forage, maçonnerie, couverture, bardage, travail de la tôle...), pétrochimie (manipulation de vannes...), sans oublier les univers des transports et de la logistique. La liste est sans doute loin d’être exhaustive.
De multiples tests de résistance
La performance du gant de protection contre les risques mécaniques est régie par la norme européenne EN 388 (en accord avec la norme EN 420 qui définit les exigences générales en matière de gants de protection). Cette dernière prévoit quatre tests de résistance concernant l’abrasion, la coupure, la déchirure et la perforation.
Pour chacun, le résultat obtenu donne lieu à un indice, évalué de 1 à 4 ou de A à F, en ce qui ce concerne la coupure, dont le test de résistance a évolué en 2016. Pour chacun, plus l’indice est élevé, plus la résistance du gant est importante. Ces différents indices sont indiqués sur le gant, au niveau de l’affichage de la norme symbolisée par un marteau. Si la lettre X figure, cela signifie que le résultat obtenu est inférieur au minimum requis pour atteindre une performance de niveau 1 ou que le test n’est pas applicable. Ces niveaux de performance sont essentiels à prendre en compte par les entreprises, surtout, évidemment, lorsque le gant entre dans la catégorie 2, visant à protéger le professionnel des risques importants de coupure, d’abrasion, de perforation. Les gants de protection de catégorie 1 sont, eux, adaptés aux risques mineurs, c’est-à-dire pour les situations sans risque d’agression mécanique important. L’étude de poste doit permettre d’évaluer la nature des risques réels encourus par le professionnel.
D’autres mentions facultatives peuvent apparaître, notamment la lettre P, qui signifie que le produit a été testé par rapport à sa résistance aux impacts. Le gant peut également arborer d’autres normes, par exemple à la protection chimique ou au froid, certains produits répondant à des risques multiples.
Un marché solide
Le développement régulier du contexte normatif, de plus en plus exigeant, en témoigne l’évolution du test sur la coupure visant à mieux qualifier la performance des gants à haute résistance, et l’obligation d’équipements de protection, contribuent évidemment à soutenir ce marché mature, également largement dynamisé par des améliorations constantes concernant notamment le confort. « Ce marché de consommables est lié aux personnes qui travaillent, donc il est plutôt stable compte tenu du contexte économique, ou en très légère croissance. Cela reste une protection obligatoire, soutenue par le renouvellement » explique Julien Ménard, directeur des ventes de PIP France, qui commercialise la marque G-Tek. « Dans tous les pays industrialisés, et notamment la France, le niveau d’équipement est déjà important. Mais nous constatons toujours une dynamique, portée par l’évolution des normes, même si la croissance est, cette année, un peu contrecarrée par un léger ralentissement fin 2024. Le marché est plus difficile à lire, car chaque mois ou chaque trimestre sont différents. Nous avons parfois l’impression d’avoir une tendance, mais cette tendance ne se vérifie pas le mois d’après. Néanmoins, on sent que le marché professionnel a une attention forte pour l’innovation » ajoute Florent Richecoeur, directeur des ventes France et Benelux chez Mapa Professional, marque présente dans l’univers du gant professionnel depuis 1948.
Pour Milwaukee, le fabricant d’électroportatif qui se développe depuis trois ans dans les EPI, et notamment dans le gant de protection, pour répondre aux besoins des métiers qu’il cible avec ses outils, l’aspect réglementaire de plus en plus précis ouvre aussi la nécessité pour les employeurs de fournir à leurs salariés la protection la plus adaptée grâce à une meilleure évaluation des risques. « Cela veut dire qu’on ne met pas n’importe quel gant, qu’il est nécessaire de choisir le bon gant pour la bonne application. On demande au gant d’être de plus en plus performant, de protéger au plus haut de la norme. Nous observons aussi qu’il y a de plus en plus de demandes sur des gants qui associent plusieurs risques. Le potentiel est encore important » indique Cyril Pollet, chef de produits EPI chez Milwaukee France. Les ambitions de la marque sont fortes puisqu’elle a investi en 2022, aux Etats-Unis, dans un laboratoire de R&D dédié aux EPI et sur une équipe complète comprenant des ergonomes, des hygiénistes, des experts présents dans les différents pays où elle est implantée.
Les entreprises étant incitées à protéger de mieux en plus leurs équipes, le développement de ce marché passe également par une prise en compte plus récente de l’intérêt de porter des gants pour des tâches qui ne présentent pas de risques immédiats. « Il y a quinze ans, personne ne mettait des gants pour éviter de se salir les mains ou pour se protéger contre les petites abrasions ou micro-coupures de la peau qui, répétées, peuvent mener à quelques pathologies au niveau du derme » observe Florent Richecoeur. « La jeune génération fait plus attention à la protection de ses mains. Donc on voit arriver un certain nombre de porteurs qui n’ont pas un risque très important sur leur poste de travail, mais qui souhaitent quand même se protéger pour préserver l’état de leurs mains. C’est important pour nous de faire ce travail de pédagogie pour faire en sorte que toute cette population se sente concernée par la protection de la main, grâce notamment à la mise à disposition d’équipements leur permettant de travailler avec une bonne dextérité, avec un bon confort. » En outre, une micro-coupure peut exiger un arrêt de travail de plusieurs minutes, le temps que le professionnel aille chercher un pansement.
Un coût de revient scruté
L’attention au prix reste toutefois de rigueur, sans forcément d’ailleurs nuire à la qualité des produits. « Pour moi, il y a depuis toujours deux marchés, un marché de prix qui concerne plutôt le bâtiment, le gros oeuvre, les entreprises artisanales. Ces dernières n’ont pas forcément de services HSE qui vont définir la qualité du produit nécessaire, pour une protection la meilleure possible. Le prix est alors le premier critère. L’industrie est plus tournée vers la qualité du produit. Mais beaucoup d’entreprises font des plans de progrès. Et cela concerne tant les gants premier prix, que les gants très techniques. Elles veulent faire partout des économies, et cela passe aussi par ce type de consommables. Là où c’était anecdotique, il y a quelques temps, elles font de en plus attention à tous les postes de dépenses » explique Julien Ménard.
Un constat partagé par les différents acteurs du marché : les entreprises veulent faire des économies et l’âpreté des négociations est ressentie partout. « Nous travaillons beaucoup sur les économies que l’on fait faire à nos clients grâce à l’utilisation de nos gants. Mais avec l’inflation sur tous les fronts, les acheteurs oublient parfois tous les gains qu’ils ont pu faire au préalable. Ils recherchent le court terme. Ce sont souvent de fausses économies. Nous récupérons des dossiers parce que les entreprises se sont rendu compte que leurs consommations en gants explosent. Les économies à l’achat contribuent souvent à remplir les poubelles ! » constate Olivier Poisson, chefs de produits gants de protection chez Uvex-Heckel.
Le coût de revient d’un gant durable, bien adapté à l’application et à la main du porteur, est un argument que tentent de mettre en avant la majorité des spécialistes de la catégorie. « Toutes les entreprises cherchent aujourd’hui à optimiser leurs budgets d’équipements de protection individuelle, avec des binômes HSE et achats qui essaient de trouver le meilleur équilibre entre le meilleur niveau de protection et le meilleur prix. Nous, nous préférons parler de coût à l’utilisation » ajoute Florent Richecoeur. « Nous observons donc les deux tendances, c’est-à-dire, par la maturité du marché, une banalisation de certaines gammes de produits qui font que les prix sont parfois à la baisse. Et, en même temps, un besoin de plus de protection et, notamment, un attrait pour le gant couteau suisse, polyvalent, qui a plein de vertus et qui permet de limiter le nombre de références, de massifier un peu plus, tout en ayant une gestion des gants cohérente. » Ce que confirme Cyril Pollet : « sur un marché mature, l’entreprise cherche à rationaliser ses achats de risques. Si elle peut avoir un seul voire deux gants pour plusieurs risques, elle se dit qu’elle achète mieux. »
Une main bien gantée
Dans cette recherche d’optimisation des coûts, la notion de confort est de moins en moins esquivée. « Si le gant est mal taillé, s’il gante mal, on sait qu’il ne sera pas porté. C’est ce qui fera souvent la différence entre un premier prix et un haut de gamme » estime Julien Ménard.
D’ailleurs, notamment dans les grands groupes, le choix d’un nouveau gant passe de façon quasi-obligatoire par des campagnes de test au porté. « Dans les grands groupes, ça n’existe plus l’acheteur qui achète dans son coin et qui impose un gant. Des équipes vont tester le gant, au minimum pendant trois mois, suivant les produits » remarque Cyril Pollet. « C’est pour moi la bonne stratégie parce qu’un EPI, on peut l’acheter le moins cher possible, mais si l’utilisateur ne le porte pas, il y aura un accident. Donc, il vaut mieux investir dans un EPI qui a été validé par l’utilisateur. Les services HSE ne vont plus chercher le gant d’entrée de gamme à quelques centimes. Ils préfèrent maintenant investir dans un gant que le professionnel portera. »
Confort qui, d’ailleurs, associé à la notion de dextérité, joue aussi sur la productivité du professionnel, est susceptible d’éviter toute fatigue gestuelle ou situation d’inconfort lors d’une utilisation prolongée.
Effet seconde peau
Cette notion de confort et de dextérité est prévue dans les critères d’exigences par la norme EN 420 ou EN ISO 21420 concernant la conception globale des gants, qu’ils soient en cuir ou en fibre textile. Autrement dit, un gant de protection doit respecter des critères de confort et de dextérité, sans que ces derniers soient réellement mesurables. Dans son laboratoire de recherche et développement de Beauvais, dans l’Oise, Mapa Professional a mis en place son propre test pour mesurer la dextérité, répétant la manipulation de petites pièces introduites dans un trou en un certain temps. « Quand nous estimons que la norme n’est pas assez précise, nous développons nos propres tests. »
L’un des éléments pour apprécier la finesse est déterminé par la jauge qui traduit le nombre d’aiguilles comprises dans un pouce anglais (2,54 cm). Plus la jauge est élevée, par exemple 18 ou 21, plus la dextérité de la main est respectée, contrairement à un gant de jauge 13, évidemment plus épais. D’ailleurs, visiblement, il est difficile à un travailleur qui a goûté à un gant de jauge élevée de revenir en arrière. « Lorsque, lors d’un test, on demande à quelqu’un de fermer et ouvrir la main pendant 20 fois, avec d’un côté un gant de jauge 21, de l’autre un gant de jauge 13, qui présentent le même niveau de performance à la coupure, on se rend compte à un moment le porteur force avec le gant de jauge 13 » signale Julien Ménard. Sur une journée complète et sur toute une carrière, les risques de TMS liés au port de l’EPI sont donc limités avec des jauges élevées. « Quand on parle de la coupure, on parle des risques immédiats, mais moins des risques sur du long terme liés aux gestes répétitifs. Plus on enlève de contraintes, mieux c’est. »
Les gants de jauge 18, voire de jauge 21, apparaissent donc de plus en plus dans les gammes. « Il y a trois ou quatre ans, une jauge 18, c’était le bout du monde. Aujourd’hui, on parle de jauge 21. Mais attention, en terme de confort, la jauge ne fait pas tout » prévient Olivier Poisson
Domination du tricoté-enduit
Sur le plan technique, cette notion de confort embrasse plusieurs aspects. Le premier concerne le support du gant.
Les gants contre les...