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juillet 2014

Le nettoyage des mains

Un enjeu pour la sécurité des personnes

L’hygiène des mains est un véritable enjeu pour les entreprises, qu’il s’agisse de donner les moyens à leurs salariés de se débarrasser des salissures liées à leur activité ou tout simplement de respecter des règles de propreté quotidienne. L’objectif surtout est de proposer aux professionnels des solutions d’hygiène cutanée appropriées pour préserver leur peau tout en évitant la surconsommation, génératrice de coûts pour les employeurs.

Selon une enquête BSL, les maladies de la peau représentent 10 à 15 % des cas de maladies professionnelles. Des données que confirme l’INRS qui estime que les maladies de la peau, appelées aussi dermatoses, sont l’une des maladies les plus fréquentes liées au travail dans les pays européens.

En moyenne, on recense entre 7 et 15 cas de dermatoses professionnelles par an pour 10 000 employés. Une autre étude menée chez un grand constructeur automobile sur trois ans et portant sur plus de 2 000 apprentis (Furke & Diepgen), citée par Debarma, a démontré que 15% des apprentis développaient un eczéma des mains avant la fin de la troisième année ! Bien entendu, ces maux ont des répercussions économiques pour les entreprises : arrêts maladie, absentéisme, dépenses de santé, frais juridiques et administratifs associés, perte ou baisse de productivité... Le nouveau programme de l’Efficience et de la Productivité au travail de Kimberly-Clark Professional, qui a pour ambition de favoriser des environnements de travail plus sains, plus sûrs et plus productifs dans les secteurs industriels (dans un premier temps, les secteurs de l’automobile, l’aéronautique, l’agro-alimentaire et l’industrie des métaux), intègre d’ailleurs la dimension de l’hygiène cutanée.

Les mains, outil de travail fortement sollicité quelle que soit l’activité, sont évidemment tout particulièrement exposées. En cas de respect insuffisant des règles d’hygiène, elles sont évidemment responsables de la transmission de nombreux germes. Mais la nécessité de les nettoyer régulièrement les fragilise également, surtout lorsque les solutions utilisées ne sont pas appropriées. Ne voyait-on pas encore récemment des maçons utiliser de la lessive pure, des peintres de l’essence ou du white spirit, d’autres professionnels se désinfecter les mains à l’alcool ? Autant de produits caustiques qui, au rythme de lavages répétés, peuvent détruire le film hydro-lipidique de la peau et favoriser l’apparition de dermatoses, de rougeurs, d’irritations, de gerçures. Ainsi, le Synamap précise que 60% des accidents ou maladies professionnelles des mains sont des réactions cutanées telles que rougeurs, dessèchements ou allergies. Le lavage fréquent à l’eau et au savon est lui aussi une menace pour la santé de la peau. Selon le Synamap, la protection et l’hygiène de la peau sont ainsi considérées comme un élément incontournable de la sécurité au travail. « Une gamme de produits d’hygiène adaptés doit naturellement trouver sa place dans les installations sanitaires au travail. L’hygiène corporelle est un complément indispensable aux mesures de prévention et à la protection individuelle. Elle est aussi une protection lorsque le travailleur est en contact avec des produits dangereux, ou lorsqu’il manipule des produits dont la qualité ne doit pas être altérée (dans l’industrie alimentaire notamment).»

Tout un programme

Ce marché, dont les contours sont difficiles à estimer, profite évidemment de la sensibilisation croissante des entreprises aux problématiques de sécurité, même si la marge de progression reste importante. L’enjeu est devenu crucial, d’autant que les problématiques sont fort diverses en fonction des corps de métier, parfois au sein d’une même structure. Les mains de celui qui intervient sur une machine de production ne requièrent, on s’en doute, pas les mêmes solutions de nettoyage que celles de son collègue qui reste dans les bureaux ou qui sillonne les routes.

Pour développer les bonnes pratiques d’hygiène des mains au quotidien dans le monde du travail et rendre moins complexe la prise en compte des différentes étapes nécessaires, les intervenants du marché, souvent des grands groupes internationaux spécialisés sur cet univers, développent aujourd’hui de véritables programmes d’hygiène cutanée ciblés sur chaque environnement professionnel. Au-delà de l’information sur les solutions appropriées, ces démarches s’appuient sur les préconisations des équipes commerciales des fournisseurs, à travers un audit des besoins de l’entreprise et par des actions de formation.

Selon les marques, les programmes d’hygiène cutanée reposent sur trois ou quatre étapes : les produits de protection à appliquer avant et pendant le travail, le nettoyage de la peau et les produits de soin cutané après le travail. S’y ajoutent les solutions désinfectantes, parmi lesquelles les fameux gels hydroalcooliques, entrés dans les usages courants avec le renfort de la fameuse épidémie de grippe A en 2010 et qui sont particulièrement utilisés dans les milieux de bureaux, dans les hôpitaux ou la restauration collective. S’utilisant sans eau, éliminant les germes les plus courants, les gels et mousses ayant une action antibactérienne et fongicide pour les mains évoluent en faveur de produits qui laissent les mains propres et douces, sans sensation poisseuse.

Protection avant-travail

Première étape, les crèmes et pâtes de protection appliquées avant-travail et pendant le travail forment sur les mains un film hydrolipidique qui non seulement contribue à les hydrater mais aussi à réduire l’adhérence des salissures, ce qui facilite le lavage ultérieur. Ainsi, certains produits sont en mesure de protéger le professionnel, pendant une durée limitée, des substances grasses, des solvants volatiles, des pétroles distillés, des hydrocarbures chlorés et, de façon générale, des travaux salissants. Elles peuvent être compatibles avec le port de gants en latex et en nitrile.

Les ventes des solutions avant-travail restent néanmoins encore à développer, d’où l’importance des actions d’information auprès des utilisateurs. Leur essor se heurte effectivement, notamment dans l’industrie, à des utilisateurs masculins pas toujours enclins à enduire leurs mains d’une crème, même si celle-ci est non grasse et dépourvue de parfum. Néanmoins, selon les marques du marché, dès que l’opérateur ose dépasser ses tabous, il est conquis.

La gente masculine est tout aussi réfractaire aux crèmes après-travail. Conçues pour renforcer la protection naturelle de l’épiderme, ces dernières peuvent avoir une action cicatrisante et émolliente. Elles laissent donc une peau saine et souple et évitent le dessèchement cutané.

Des solutions lavantes ciblées

L’essentiel des ventes est constitué par les produits de nettoyage cutané, qui se déclinent en lotions, gels, savons pâte, savons crème et autres mousses. Leur fonction est d’enlever ou de neutraliser les salissures et agents irritants, ainsi que les résidus des fonctions naturelles de la peau (sudation par exemple), tout en préservant ses propriétés fondamentales. Les produits sont spécifiques et doivent être adaptés au type de salissures.
Généralement, les produits de nettoyage des mains à usage professionnel se segmentent en fonction du degré de salissure : depuis les salissures courantes aux salissures fortes, le type de salissures variant évidemment en fonction des milieux professionnels.

Pour les salissures légères, autrement dire la saleté et les impuretés courantes, le professionnel a recours à des solutions adaptées aux lavages fréquents, parfois dépourvues de parfum (obligatoire pour le secteur agro-alimentaire de façon à ne pas altérer le goût des aliments) ou enrichies de fragrances diverses, qualifiées de légères, fraîches ou encore vivifiantes. Certaines lotions conviennent également pour le lavage du corps et des cheveux, lorsque l’entreprise dispose de vestiaires équipés de douches.

Pour les salissures fortes (huiles, lubrifiants, graisses synthétiques et minérales...), comme dans l’industrie par exemple, les micro-billes règnent. Les formules sont effectivement souvent additionnées de charges plastiques, minérales ou végétales, comme les granulés d’épi de maïs, et d’extraits d’agrumes qui vont renforcer l’action et la performance de la crème ou de la mousse lavante.

Les formules lavantes sont également souvent enrichies d’un agent hydratant pour que leur utilisation régulière n’affecte pas l’hydratation de la peau. En revanche, les produits ne contiennent pas de solvants pétroliers, trop agressifs, à de rares cas d’exception concernant les tâches d’encre, de peinture, de résines, de colle. Ils privilégient, quand c’est nécessaire, les solvants d’origine naturelle comme les esters d’huile de tournesol capables d’éliminer les salissures courantes. Certains produits sont également dotés de l’écolabel ou formulés à base d’ingrédients végétaux naturels, ce qui traduit leur absence de nocivité vis-à-vis de l’environnement, un critère de plus en plus recherché dans les appels d’offre.

Concernant la nature des produits, les mousses tendent à se développer au détriment des crèmes et lotions lavantes, y compris sur le segment des salissures fortes puisque l’an dernier Deb a lancé la première mousse lavante d’atelier pourvue de micro-billes végétales en suspension. Cette année, le spécialiste ouvre un nouveau segment en lançant un produit polyvalent, Oxybac®, qui allie la technologie de la mousse à un agent antimicrobien, le Peroxyde d’Hydrogène Accéléré. Il s’agit donc du premier produit désinfectant pour les mains sous forme de mousse, bénéficiant ainsi d’une efficacité biocide à large spectre tout en présentant des propriétés nettoyantes, notamment pour les salissures grasses, avec une haute tolérance cutanée, le tout dans le respect de l’environnement.

Source de maîtrise des coûts

Les produits sous forme de mousse sont notamment appréciés par les entreprises car leur texture permet de réduire la quantité de produit et d’eau utilisée pour chaque lavage, surtout si le produit est performant. Ainsi, même s’il est plus coûteux à l’achat, un tel produit devient vite rentable pour l’entreprise puisqu’une dose de mousse suffit là où une lotion lavante d’atelier traditionnelle exige deux doses. En revanche, dans la main, la mousse donne à l’utilisateur l’impression qu’il utilise plus de produit. C’est aussi un gage de sécurité, les usagers ne respectant pas toujours à la lettre les protocoles exigeant par exemple, selon leur activité, que pour une hygiène parfaite, ils utilisent deux ou trois doses.

Cette recherche de maîtrise des coûts se retrouve également au niveau des conditionnements. Au-delà des crèmes présentées en tubes de 100, 150 ou 200 ml, le secteur de l’industrie privilégie les contenants nomades, autrement dit des flacons ou bidons de 1 à 5 litres, munis de poignée-pompe doseur. L’idéal reste d’installer dans les pièces équipées de point d’eau des distributeurs de 1 à 4 litres. Là encore, il suffit de pousser sur un bouton pour obtenir la bonne dose et éviter la surconsommation. Des stickers apposés sur les appareils permettent de rappeler les procédures à suivre pour le respect d’une bonne hygiène et de mains parfaitement propres. Les distributeurs peuvent être alimentés par des produits en vrac ou par des cartouches. Jugées plus hygiéniques, les cartouches rétractables se développent. Elles évitent notamment le nettoyage de la cuve du distributeur qui, négligée, peut se remplir de moisissures. En l’absence de points d’eau, le recours aux lingettes est envisageable mais ne peut rester qu’une solution d’appoint qui ne remplace pas un lavage complet des mains.
 

Agnès Richard





























Réglementation et normes

Les produits d’hygiène corporelle, tout comme les produits cosmétiques, sont soumis au code de santé publique (articles L 5131-1 et suivants, L.5431-1 et suivants, R.5131-1 et suivants).

L’utilisation des produits d’hygiène corporelle dans le domaine professionnel est régie par plusieurs textes réglementaires. L’article R.232-2 du code du travail énonce le principe général suivant : « Les employeurs doivent mettre à disposition des travailleurs les moyens d’assurer leur propreté individuelle, notamment des vestaires, des lavabos, des cabinets d’aisances et, le cas échéant, des douches. »

L’arrêté du 1er août 1967, modifié par l’arrêté du 24 juillet 1974 précise que les détergents et savons d’atelier mis à disposition du personnel doivent être conformes à l’une des deux normes NF T 73-101 ou NF T 73-102.

Les crèmes protectrices à usage professionnel sont soumises à la norme
NF T 75-601 qui fixe les caractéristiques de ces produits et leurs limites d’emploi.

Source : d’après fiche pratique de sécurité ED 58 INRS




Des spécialistes de plus en plus forts

Le marché de l’hygiène cutané est détenu par des spécialistes mondiaux qui tendent à devenir de plus en plus fort à travers des opérations de croissance externe leur permettant de mieux couvrir tous les segments de marché en termes de produits, de cibles utilisateurs et de zones régionales.

En janvier 2014, Gojo Industries et Les Laboratoires Prodene Klint, deux acteurs de l’hygiène des mains, ont ainsi annoncé avoir noué un partenariat à travers une holding commune leur permettant de soutenir leur développement international.
En juin, Deb Group Ltd (Deb), autre acteur international sur le marché de l’hygiène cutanée pour les professionnels, a annoncé l’acquisition définitive de Stoko Professional Skin Care, la division hygiène cutanée professionnelle du Groupe Evonik Industries. L’alliance entre Deb et Stoko, spécialisé notamment dans la lutte contre les dermatoses professionnelles, permettra au Groupe Deb d’offrir une des gammes de produits les plus complètes du marché.

Pour finir, un accord de distribution vient d’intervenir entre l’entreprise danoise Plum, spécialiste des solutions pour l’hygiène de la main et le lavage oculaire, et Les laboratoires Esculape, qui prennent la responsabilité du développement des produits Plum en France.