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avril 2011

Les dégrippants et les lubrifiants

Une demande de haute technicité

Famille de consommables à forte marge pour la distribution, les lubrifiants et dégrippants revêtent un caractère crucial pour les entreprises qui cherchent à améliorer leur productivité et à limiter leurs surcoûts, par la réduction des arrêts de production, l’allongement de la durée de vie des équipements et l’abaissement de la consommation énergétique. Ce marché aux contours fort multiples pourrait ainsi connaître de forts développements dans les prochaines années en évoluant à travers deux axes : les produits à haute technicité qui nécessitent une aide à la vente et les produits multifonctions qui peuvent générer un fort courant d’achats d’impulsion.

Les dégrippants et lubrifiants de maintenance s’inscrivent incontestablement dans l’air du temps.

Destinés à protéger les outils ou les mécanismes en facilitant le glissement et le fonctionnement des pièces en mouvement et permettant ainsi de prolonger leur durée de vie, ou encore à faciliter le montage et le démontage des équipements en éliminant notamment la corrosion, ces consommables sont des auxiliaires indispensables du technicien de maintenance. Ils sont tout aussi précieux pour le professionnel travaillant avec des outils nécessitant un glissement (outils de coupe par exemple), travaillant sur des mécanismes (glissières des vérandas...), ou l’artisan du bâtiment confronté à une machine récalcitrante.

Un marché peu fluide

Vaste dans ses destinations, cet univers présente par des contours fort incertains. Ce marché se révèle très atomisé à cause d’une grande variété de produits répondant parfois à des applications très pointues et de la multitude de ses intervenants. Par ailleurs, même si on exclut les lubrifiants destinés à la première monte, une partie sans doute non négligeable de ses ventes s’effectue en direct. De son côté, la distribution ouvre ses linéaires au 20x80 des gammes, constituées notamment du dynamique dégrippant-multifonctions qui représente une part essentielle des volumes, et des principales rotations pour les lubrifiants dédiés aux applications les plus courantes : lubrifiant standard, lubrifiants chaines... De même, les stocks des magasins se concentrent sur les aérosols en 400, 500, 650 ml selon les marques, les bidons de 5 l pour ce qui est des dégrippants et des huiles, des tubes de 50 g ou 100 g ou cartouches de 400 g pour les graisses, et de boîtes de 5 ou 25 kg pour les pâtes. Les conditionnements plus importants ne sont commercialisés que sur commande tandis que les produits à plus forte technicité relèvent de la préconisation des technico-commerciaux du point de vente, souvent assistés de la compétence du fournisseur.

Une réponse aux nouvelles exigences

S’il est donc difficile de résumer une tendance générale tant ce marché dispose de profils variés, chacun s’accorde toutefois à lui reconnaître une certaine maturité, l’essentiel des ventes de dégrippants et lubrifiants concernant des entreprises industrielles dont l’activité n’affiche, il est vrai, pas toujours de forts développements depuis un certain nombre d’années. Néanmoins, après la crise, les niveaux de 2008 seraient en perspective, même si certains industriels ne figurent plus sur le marché.

Pour beaucoup, la raison du maintien des ventes se trouve dans la volonté des entreprises de mieux entretenir leurs équipements afin d’en prolonger la durée de vie. Ce qui a pour effet de les inciter à utiliser des dégrippants et lubrifiants de plus haute technicité, au détriment sans doute des produits plus standardisés et moins innovants. Déjà, certains intervenants du marché font remarquer que l’amélioration de la qualité de leurs produits ces dernières années permet d’espacer les fréquences d’utilisation, au profit certes d’une plus grande valeur ajoutée et d’un plus grand bénéfice pour l’utilisateur mais au détriment de la hausse des volumes. Cette sensibilisation des entreprises aux produits plus techniques ira sans doute croissant, et ce d’autant plus qu’elles sont confrontées de plus en plus à des exigences réglementaires (Reach, environnement, normes alimentaires) et font preuve d’une vigilance accrue quant à la réduction de leurs coûts (réductions de leurs consommations énergétiques, réduction des casses donc les arrêts de production, augmentation de la productivité en favorisant un meilleur fonctionnement des équipements...). Autrement dit, le lubrifiant se situe au cœur des préoccupations des entreprises.

Le dégrippant-lubrifiant multifonctions en plein essor

Parallèlement, le segment des dégrippant-lubrifiants multifonctions au large spectre d’applications semble enregistrer de fortes croissances, stimulé à la fois par l’ampleur de la cible auquel il s’adresse – ce produit se retrouve dans toutes les caisses à outils – grâce à des innovations tant sur le plan produit-packaging que marketing, et par un dynamisme commercial.

Le dégrippant-lubrifiant multifonctions s’appuie généralement sur cinq fonctions : il dégrippe les pièces, protège le support de la rouille, chasse l’humidité, nettoie et lubrifie. Certains observent toutefois une certaine course en avant aux fonctions, avec parfois une dizaine de fonctions répertoriées, ce qui traduit bien l’aspect concurrentiel de ce segment mais aussi sans doute une volonté de certains opérateurs de se distinguer de la marque de référence de la catégorie : WD-40.

Le dégrippant-lubrifiant multifonctions est jugé incontournable pour toutes les marques. Certes, les marques positionnées sur les lubrifiants techniques le considèrent comme un produit d’appel mais sans le négliger puisque la fréquence d’achat de ce produit en font un vecteur de choix pour véhiculer leur notoriété.

Concentrant ses moyens et son savoir-faire sur un produit à formule unique, WD-40 ne segmente pas son offre en terme de produits mais cherche à mieux s’adresser aux différents utilisateurs en ciblant précisément leurs attentes. D’où un discours adapté en fonction des différents métiers, les besoins se distinguant selon que l’on se situe dans l’automobile, dans l’agriculture, l’industrie ou dans le bâtiment. Le but est de permettre ainsi au dégrippant-lubrifiant multifonctions de mieux se déployer au sein d’une profession en comprenant mieux les usages qu’elle peut avoir de ce produit. Cette proximité avec les professionnels, à l’occasion de salons par exemple, a également permis à la marque de déceler une de leurs préoccupations principales : le confort d’utilisation. Un argument non négligeable pour des utilisateurs qui emploient très fréquemment ce produit. D’où le lancement, voici quatre ans, d’un aérosol doté d’une valve double position nommée Système Professionnel. La valve étant solidaire du tube, le diffuseur ne se perd plus et les positions d’application se modifient d’un seul geste. Aujourd’hui, malgré le surcoût, ce produit représente 70 à 80% des ventes de WD-40 dans le secteur professionnel.

Se positionnant comme le leader du marché des dégrippants (multifonctions et spécifiques), KF (CRC Industries) a rejoint en fin d’année WD-40 dans cette démarche de confort d’usage avec un aérosol offrant également un diffuseur multipositions, permettant d’avoir une application en jets larges pour obtenir un brouillard ou à l’inverse très précise.

Deux logiques bien distinctes

Si les dégrippants-multifonctions, à forte rotation se distinguent clairement dans le linéaire, ils obéissent à une logique de vente bien différente de celles des autres lubrifiants. Ce produit réagit fortement à des opérations promotionnelles et à des mises en avant dans le point de vente, sous forme de présentoirs de comptoir par exemple et de dépliants pour en démontrer tous les usages. Ce produit, à forte notoriété, est susceptible de répondre à un achat d’impulsion, y compris dans l’univers professionnel. Ces mises en avant sont en effet d’autant plus essentielles que les produits sont parfois stockés derrière le comptoir et que le professionnel n’a pas la possibilité de les voir directement. WD-40 pratique également une stratégie de diffusion d’échantillons, visant à permettre aux utilisateurs de tester son produit. Une technique d’autant plus profitable que le dégrippant-lubrifiant multifonctions bénéficie d’un bon taux de recommandation, via le bouche-à-oreille, d’un professionnel à l’autre. La marque songe d’ailleurs à étendre son blog mis en place dans l’univers grand public aux professionnels qui pourraient à leur tour partager leur expérience en évoquant les problèmes qu’ils ont résolus avec ce produit.

Le dégrippant spécifique joue la rapidité d’action

Les autres lubrifiants et dégrippants spécifiques ne bénéficient pas de la même attraction et sont donc soumis à une logique d’achat bien différente. Dès que l’on sort de la notion de multifonctions, la segmentation des dégrippants et des lubrifiants se raisonne en fonction de l’environnement de l’entreprise (conditions normales, environnement industriel alimentaire...) et par la nature du produit (dégrippant, huile, graisse, pâte...) liée au type de matériel à entretenir (petits mécanismes, chaînes, roulements, visseries, mécanismes en plastique... ).

Si le dégrippant-lubrifiant multifonctions est souvent d’abord choisi pour sa fonction dégrippage, le dégrippant spécifique, celui qui se « contente » de désintégrer la rouille d’un assemblage bloqué ou de permettre de desserrer facilement vis, écrou ou boulon, est considéré comme l’un des segments de la lubrification. Jugé plus performant qu’un multifonctions, il associe souvent des qualités de rapidité d’action grâce ses propriétés de pénétration ou sa capacité à refroidir par choc thermique.

Lubrifiants, graisses et pâtes

Plus le professionnel aborde spécifiquement le domaine des lubrifiants, huiles, graisses et autres pâtes, plus il pénètre dans un univers technique.

Dans leur offre, les fournisseurs distinguent le plus souvent les lubrifiants, des graisses et des pâtes. Tout n’est pas qu’une histoire de consistance ou plus exactement de viscosité. Plus fluide, le lubrifiant est disponible en aérosol, bidons jusqu’au fût de 200 litres. Une graisse contient 80% d’huile, le reste étant constitué essentiellement d’additifs et d’un savon épaississant permettant de retenir l’huile. Si le lubrifiant convient pour les petits mécanismes grâce à son pouvoir de pénétration, la graisse est plus adaptée aux roulements et autres équipements de transmission. Elle est conditionnée en cartouches, en tubes ou en pots comme la pâte. Cette dernière ne contient elle plus que 50% d’huile, le reste étant constitué de lubrifiants solides, et convient pour la visserie, les charges lourdes... La différence de leur consistance montre bien que ces produits ne peuvent pas jouer la polyvalence quant à leur destination. A noter que le confort d’utilisation devient également important au niveau des produits techniques. Les packagings présentent ainsi des buses adaptées à leur utilisation. Par ailleurs Samaro, sous sa marque Molykote, a lancé une cartouche permettant à l’opérateur de ne pas entrer en contact avec le produit lors du changement. Une fonctionnalité rapidement comprise sur le point de vente, notamment pour celui qui a déjà effectué des changements de cartouches.

La recherche de produits propres, au sens qu’ils ne salissent pas l’utilisateur, est également perceptible. Les lubrifiants troquent parfois leur couleur noire au profit de blanc ou d’incolore, qui ne tâchent pas, mais sont aussi plus coûteux.

Des applications pointues

Soit l’utilisateur privilégie une utilisation générale, soit il privilégie la plus-value technique avec des différences en terme de tenues à la charge, à la corrosion, de résistance à la chaleur... Certains lubrifiants sont par ailleurs plus particulièrement dédiés à une profession : les lubrifiants serrure destinés aux micromécanismes grâce à un fort pouvoir de pénétration, les lubrifiants pour les outils de coupe dédiés au travail du bois, fluide et à base de paraffine pour ne pas tâcher le bois et autoriser une finition derrière, des lubrifiants sans silicone destinés à faciliter le passage des câbles électriques dans des gaines plastiques, des lubrifiants à base de silicone pour les glissières des vérandas...

Le but est de montrer à l’utilisateur qu’il existe un produit spécifique particulièrement adapté à ses exigences, et de lui éviter de se réfugier dans un produit multifonctions, pas toujours suffisant. Il existe ainsi un grand nombre de références destinées à des applications très précises. Évidemment, plus le lubrifiant est technique, plus l’acheteur aura besoin d’être assisté par un technicien, ne serait-ce que pour lui permettre de comprendre la différence de prix existant entre les différentes solutions. Certaines entreprises comme CRC ont fait un effort important pour clarifier ce linéaire avec une segmentation précise basé sur des codes couleurs, leur permettant de faire un choix éclairé et offrir une meilleure compréhension de l’offre. Des actions de formations sont également menées au niveau des vendeurs afin que ces derniers soient en mesure de guider l’utilisateur dans cette offre complexe, présentant des niveaux de prix qui n’ont pas grand chose à voir entre eux. Certains avancent avoir vu des pots de graisse d’un kilo à quelques euros et à mille euros. Les attachés technico-commerciaux des points de vente sont également l’objet de toutes les attentions. Le but est de leur permettre d’identifier les entreprises où la présence d’un technicien du fournisseur serait justifié. C’est notamment le cas lorsque l’entreprise s’adresse à son distributeur pour des audits de plans de graissage de son parc machines. La préconisation de tel ou tel lubrifiant passe parfois par des périodes de tests destinées à montrer le gain généré par l’utilisation de tel lubrifiant en terme de consommation de pièces métalliques, de gains énergétiques (moins de puissance exigée sur les lignes de fabrication par diminution des frottements...). Avec à la clé, une réduction des coûts de maintenance et des arrêts de production fort onéreux.

La pression réglementaire un vecteur de développement

Évolution de la société et de ses exigences qualité obligent, la réponse à la pression des contraintes réglementaires devient un axe de développement important pour les fournisseurs. Ce qui leur permet d’ailleurs de faire valoir leur technicité sur le marché. Celui qui sait anticiper les échéances de Reach en mettant déjà ses produits au diapason de la législation bénéficie alors d’une réelle source d’opportunités de croissance.

L’un des premiers cribles pour le choix d’un produit tend donc à devenir la nature de l’industrie. Si l’entreprise se situe dans un milieu présentant des exigences particulières, comme l’alimentaire, elle doit effectivement utiliser des produits à la norme NFS. C’est un axe sur lequel misent de plus en plus les fournisseurs qui présentent des gammes parfois très complètes de lubrifiants et dégrippants adaptés à un environnement alimentaire (NFS H2) ou mieux permettant le contact accidentel avec l’aliment (NFS H1).

Pour certains opérateurs de ce marché, les industries de l’agroalimentaire, rarement délocalisables et soumises de plus en plus à des exigences réglementaires, représentent un véritable potentiel de développement. Et ce d’autant plus que certaines entreprises, dans un souci de rationalisation et pour éviter tout risque de contamination par erreur, sont prêtes à passer tout leur matériel de maintenance sous cette norme, même pour les zones qui ne sont pas en contact avec de l’alimentaire. ITW avec sa marque Rocol pousse encore plus loin la démarche en proposant le lubrifiant Purol, l’un des rares produits au monde à autoriser un contact prolongé avec les aliments, ce qui peut se révéler appréciable pour l’entretien des rouleaux des convoyeurs d’aliments de certaines chaînes.

De même, les produits ininflammables, avec gaz propulseur CO2 par exemple pour les aérosols, se révèlent indispensables dans certaines entreprises sensibles ou tout simplement pour celles qui veillent à la protection de leurs opérateurs.

Les exigences environnementales en devenir

Autre exigence à laquelle réfléchissent de plus en plus les entreprises : la notion de biodégradabilité. Certains fournisseurs font d’ailleurs remarquer que des acteurs du marché utilisent ce critère comme outil marketing sans que leurs produits puissent pour autant se référer à la seule norme en vigueur dans ce secteur : la norme européenne OECD 301- B qui précise le taux de biodégradabilité des produits dans un temps donné. Néanmoins si des produits dûment dotés apparaissent çà et là, les retombées commerciales semblent encore faibles. A l’exception des grandes entreprises du secteur public qui inscrivent la préservation de l’environnement dans leurs cahiers des charges, ce critère de choix reste encore marginal au niveau des ventes même si souvent les fournisseurs de dégrippants et lubrifiants estiment nécessaires de disposer de produits allant dans ce sens.

Si les produits affichant des taux importants de biodégradabilité dans un laps de temps court relèvent sans nul doute d’une démarche d’avenir, à l’heure actuelle les lubrifiants et dégrippants à haute technicité représentent pour beaucoup le vrai potentiel de développement et méritent tout l’intérêt des distributeurs. A condition aussi que ces derniers accordent un minimum d’attentions à cette famille, en termes de stock et d’informations données à l’utilisateur pour guider son choix vers le produits qui lui convient le plus. Cette famille, qui présente des marges confortables, avec un taux de rentabilité qui tourne aux alentours de 25 à 30%, ne manque pas d’atouts.

Agnès Richard