Les lubrifiants
Les huiles essentielles de l’industrie
La lubrification, processus indispensable lorsque des pièces sont en mouvement, a donné naissance à une famille de produits essentielle à l’univers industriel. Fruits d’une technologie mature aux principes totalement maîtrisés, les lubrifiants rentrent aujourd’hui dans une nouvelle phase où la préservation de l’environnement s’impose comme un impératif, pour autant qu’elle soit compatible avec les réalités de la chimie.
Dès qu’il y a un mouvement, il est besoin d’un lubrifiant : c’est une vérité universelle que l’on ressent jusque dans nos chairs puisque chacune de nos articulations est lubrifiée par un liquide qui évite que l’on reste bloqué à chacun de nos gestes. Pour les pièces mécaniques, il en est de même et les huiles et graisses ont rapidement fait partie de l’univers des artisans, des manufacturiers et des industriels. Si les premières solutions ont été végétales et animales, le génie humain a permis de développer des alternatives bien plus efficaces d’origine minérales, encore améliorées par des formulations complexes enrichies d’additifs et de composés synthétiques. Aujourd’hui, les lubrifiants, que ce soient des liquides, des graisses ou des poudres, sont d’une efficacité rare mais leur évolution n’est pas achevée pour autant. Il est maintenant l’heure de réformer ces produits chimiques qui ne font pas toujours bon ménage avec Dame Nature. Nous aborderons ce sujet en fin de cet article dont l’objet premier est de rappeler les grands principes des produits de lubrification.
Trois classes de lubrifiants
Le lubrifiant est un composé qui permet de réduire l’usure de deux matériaux qui rentrent en contact l’un avec l’autre à l’occasion d’un mouvement, en général le métal contre le métal dans le monde industriel, même si d’autres matières peuvent être concernées comme le caoutchouc ou le bois par exemple. La friction métal contre métal fait monter la température, crée des déformations, des zones de blocage et in fine provoque une usure mécanique. Pour limiter au minimum ce phénomène inéluctable, on utilise donc un lubrifiant qui vient s’interposer entre les deux pièces en mouvement en formant un film protecteur.
Les lubrifiants sont répartis en trois grandes classes de produits qui diffèrent par leur consistance et de fait par leurs destinations en matière d’utilisation, à savoir les liquides, les semi-solides et les solides. Outre leurs présentations respectives en fûts et cuves pour les fluides, en pains et cartouches pour les graisses, et en sachets, boîtes et bidons pour les poudres, ces trois types sont également tous proposés sous forme d’aérosols.
Huiles de base minérales, végétales et synthétiques
La principale catégorie, 90% de la consommation en industrie, est celle des lubrifiants liquides. Ils sont composés à partir d’une huile de base qui sert de vecteur aux additifs qui assureront la fonction de lubrification. Cet assemblage est associé à un solvant qui assure sa dilution, améliore la pénétration du produit et peut parfois avec des fonctions nettoyantes et dégraissantes ; suite à l’application, le solvant s’évaporera pour ne laisser en place que le lubrifiant.
Les huiles de base sont en général minérales, d’origine pétrolière, issues du raffinage du pétrole brut. D’un coût réduit, elles possèdent une bonne tenue à la chaleur mais ne sont pas tout à fait pures après leur raffinage et peuvent légèrement s’oxyder. Plus chères d’environ 50%, les huiles végétales sont extraites de plantes oléagineuses (colza, tournesol, soja, ricin…). Elles sont peu répandues sur le marché mais sont promises à se développer du fait de la demande croissante de produits respectueux de l’environnement. Elles sont plus pures que les huiles minérales, auxquelles elles sont substituables dans la majorité des cas, ont moins tendance à s’oxyder mais tiennent moins bien à la chaleur.
Les plus efficaces, mais aussi les plus chères d’un facteur trois à quatre par rapport aux huiles minérales, sont les huiles synthétiques qui affichent des performances supérieures en termes de résistance à la température, de stabilité de leur viscosité, d’homogénéité de leur composition chimique, de durée de vie. Ces huiles synthétiques n’existent pas dans la nature et sont fabriquées de toute pièce par des procédés chimiques. Les huiles minérales et synthétiques étant compatibles, il est possible de les mixer pour obtenir des huiles semi-synthétiques. Pour Olivier Bortot, marketing Manager d’ITW Spraytec, ce sont les huiles qui présentent le meilleur rapport performance / prix : « Elles offrent un excellent compromis entre coût et résultats attendus et permettent de concevoir des lubrifiants qualitatifs sans tomber dans la sur-qualité ».
Multifonctions, dégrippants et spécifiques
Si l’on prend le marché dans son ensemble, les plus gros volumes de lubrifiants liquides avec environ 40% du total sont les huiles de coupe, lesquelles sont déclinées en huiles entières ou huiles solubles. Les premières sont prêtes à l’emploi et s’appliquent directement sur les surfaces à lubrifier avec un aérosol, un pulvérisateur, voire une burette. Pour les secondes, il est nécessaire d’opérer une dilution avec de l’eau afin d’obtenir une émulsion qui sera injectée dans un circuit fermé. Adaptées à une production automatisée, ces dernières représentent 70% des volumes vendus. Ces différentes huiles de coupe sont généralement livrées en fûts de 200 litres et cuves IBC de 1 000 litres en direct par les gros faiseurs de la pétrochimie, sans passer par la distribution industrielle. Celle-ci peut toutefois faire l’appoint avec des bidons de 5, voire de 25 litres pour servir quelques clients spécifiques.
Pour la distribution quincaillerie et fourniture industrielle, l’arc des lubrifiants liquides comprend d’abord les produits multifonctions et ensuite toute une série de lubrifiants optimisés pour des types de matériaux (caoutchouc, chaînes, cylindres de serrure, bois, contacts électroniques…) ainsi que des dégrippants pour décoincer les pièces bloquées. Le produit best-seller est le cinq-en-un qui combine les actions de lubrifiant, dégrippant, nettoyant, anti-humidité et anti-corrosion. Ce multifonction est proposé par tous les acteurs du marché, avec comme étendard l’illustre WD-40 dont la notoriété n’est plus à démontrer et à ses côtés d’autres références qui n’ont rien à lui envier en termes de performances comme le KF5 de CRC Industries et le JKX de ITW Spraytec, pour rester sur les marques le plus vendues dans les circuits professionnels. Ces produits multifonctions, qui ne sont pas des lubrifiants à proprement parler même s’ils peuvent servir à cet usage, sont fabriqués avec une huile très fine qui doit pouvoir s’insinuer dans les plus petits interstices ; sa tension de surface est très faible pour ne pas former de gouttelettes mais se répandre de façon uniforme. Ils sont fabriqués avec des solvants assez agressifs à faible évaporation.
Au-delà du multifonction sur lequel la bataille commerciale est intense, les marques proposent des produits spécifiques par type d’application avec en premier lieu les dégrippants qui forment un segment très important. Ces produits, qui reprennent les grands principes des multifonctions avec des composants dédiés à des utilisations spécifiques, permettent aux fabricants les plus techniques de faire ressortir leur savoir-faire d’une façon explicite, plus facilement en tout cas qu’avec les 5-en-1 dont l’appréciation objective du résultat est plus difficile pour l’utilisateur.
Des additifs pour chaque usage
C’est aussi le cas pour les lubrifiants ciblés sur des applications précises. Leurs formulations sont complexes et mettent en œuvre des additifs spécifiques. Parmi ces derniers, un des plus importants est le bisulfure de molybdène qui cumule de nombreuses qualités dont la résistance à la chaleur et la capacité de supporter des charges très élevées. Par contre, il est noir et très tenace (il tient en place), donc très salissant, ce qui limite son utilisation selon la nature des ateliers. Par nature, le bisulfure de molybdène n’est pas actif à température ambiante et les lubrifiants au MoS2 n’agissent en premier lieu qu’avec l’huile de base avant que l’additif ne devienne efficace à partir de 60-70°C. Il forme alors un film presque impénétrable qui protège pratiquement à 100% les pièces métalliques. Concrètement, celles-ci ne s’usent que dans les premiers instants avant la montée en température. Ce processus avec un fonctionnement à plein régime précédé d’une phase où le lubrifiant ne joue pas totalement son rôle est universel en mécanique, avec...