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octobre 2011

Les mesures courtes

Le ruban prend le large

Marché mature, la mesure courte se décline clairement en deux approches : des produits banalisés considérés comme du consommable et des produits à valeur ajoutée qui privilégient ergonomie, fiabilité et confort d’utilisation, avec notamment un mouvement en faveur de rubans plus larges.

La bonne vieille mesure courte à ruban est toujours aussi indispensable au professionnel. Elle représente aujourd’hui 90% du marché global de la mesure roulante en France, évalué à environ 20 millions d’euros (marché professionnel). Ces données sont à prendre avec toutes les précautions d’usage en l’absence de panels officiels. Le reste des ventes est constitué par la mesure longue, qui se différencie de la mesure courte par des longueurs supérieures à dix mètres.

Ainsi, la mesure courte, devenue incontournable pour compléter une ligne d’outillage, apparaît dans un nombre grandissant de gammes. Irwin, par exemple, a lancé depuis six mois une gamme complète pour enrichir son offre mesure-traçage. Néanmoins, pour beaucoup, la mesure est, comme le cutter, le produit idéal pour compléter un franco avec des produits issus bien souvent d’un sourcing asiatique. Par conséquent, si ce marché mature s’atomise de plus en plus, les spécialistes de la mesure se sont raréfiés au fil du temps. Même les fabricants, à l’instar de Stanley qui s’appuie toujours sur son usine de Besançon et dont la mesure est l’un des produits emblématiques, deviennent au gré de leur évolution des généralistes de l’outillage. La marque garde toutefois sa suprématie sur le marché français en détenant environ 40% des ventes en valeur (15% en volume).

Deux logiques de marché

En fait, ce marché obéit aujourd’hui à deux logiques. La première considère la mesure comme du consommable et privilégie des produits d’entrée de gamme, banalisés. Ce segment est en croissance sur le marché, d’où une forte baisse du prix moyen, y compris même sur le sourcing asiatique. Un fournisseur cite un prix d’achat inférieur à un euro aujourd’hui contre quatre euros, il y a seulement quelques années.

Ces mesures low-cost sont souvent destinées aux grands comptes qui équipent notamment des intérimaires sur les chantiers. Il est vrai que dans certains métiers, la mesure est soumise à rude épreuve : travail en hauteur et risque de chute, contact avec le ciment, les poussières, vols, pertes... Et dans l’industrie, si les conditions sont moins difficiles, la mesure est utilisée moins fréquemment, d’où peut-être une moindre attention à sa qualité.

La seconde approche vise à prendre en compte la mesure comme un outil du quotidien qui est acheté directement par celui qui l’utilise, l’artisan par exemple. Elle se focalise donc sur des produits à plus forte valeur ajoutée cherchant à offrir une solution appropriée au professionnel, en fonction de son métier.

Néanmoins, toutes les marques qui proposent une offre de mesures complète cherchent aujourd’hui à répondre à l’ensemble des attentes et déclinent ainsi leur gamme en différentes qualités.

Des rubans revêtus

Des distinctions bien réelles existent entre un produit d’entrée de gamme et un produit haut de gamme, à commencer par le choix des matières premières. Ainsi, la fabrication d’une mesure digne de ce nom exige d’utiliser un acier spécial à la fois souple et rigide pour le ruban. Cet acier est trempé à 1 000°C puis subit un revenu à 300°C qui lui évitera de devenir cassant. Ensuite, la bande d’acier passe dans une filière qui lui donnera sa cambrure, élément essentiel de sa qualité. Reste au ruban à bénéficier d’un traitement par phosphatation qui lui permettra de faire face aux risques de corrosion et favorisera l’accroche de la peinture. Après la phase de peinture, la graduation est imprimée en fonction de différentes longueurs allant selon les marques de 2, 3, 4, 5, 8 à 10 mètres. Sur le marché français, les longueurs les plus couramment utilisées sont le 3, 5 et 8 mètres.

Ensuite selon sa qualité, le ruban peut être recouvert de différents revêtements de protection. La finition vernie est réservée à l’entrée de gamme bien que certains fabricants, comme Stanley, l’ait bannie de leurs produits en privilégiant un revêtement synthétique, le Tylon, qui apporte plus de résistance. Dès que l’on grimpe en gamme, le ruban est revêtu de nylon ou de Milar, une feuille de matière synthétique collée à chaud, voire même d’un film Blade Armor (Brevet Stanley). Ce revêtement est appliqué sur les quinze premiers centimètres de la mesure, les plus sollicités par l’utilisateur. Chez Irwin, le film de protection est mat pour faciliter la lecture de la mesure, y compris dans des conditions fortement ensoleillées.

Les facteurs de qualité

La qualité du mécanisme intérieur est pour sa part notamment liée au système de freinage du retour du ruban. Si la rentrée du ruban est trop vive, le crochet situé à son extrémité risque de se fragiliser et donc de se casser. La mesure peut donc intégrer un ressort texturé qui permet d’atténuer ce mouvement et des freins. La qualité de la fixation de l’équerre présente en bout de ruban est également importante. Elle peut être fixée avec deux ou trois rivets.

De son côté, le boitier joue de plus en plus la carte de l’ergonomie et adopte des lignes courbes. La coque peut être métallique, en ABS chromé ou, de plus en plus souvent bimatière. Elle associe alors à la matière synthétique rigide une matière souple favorisant la prise en main et atténuant les chocs en cas de chute du produit. D’ailleurs, le boitier conçu uniquement en matière rigide est aujourd’hui fortement connoté entrée de gamme.

De même, dès que l’on monte en qualité, la mesure bénéficie d’un bouton permettant de bloquer le ruban à une certaine longueur. Le but est de disposer du bouton-poussoir le plus facile d’utilisation pour que le professionnel, qui opère parfois dans des endroits peu faciles d’accès, puisse bloquer le ruban par une simple pression du doigt.

Reste ensuite la question de la distance de rupture, c’est-à-dire la capacité pour le ruban de rester rigide sur une grande longueur sans se casser. Les plus grandes distances de rupture disponibles actuellement sur le marché se situent aux alentours de 2,30 m pour un ruban de 5 m. En fait, la rigidité dépend de plusieurs paramètres : la largeur, l’épaisseur et la cambrure du ruban. Plus le ruban est cambré, plus il est rigide. Cette notion de rigidité est d’autant plus importante qu’elle fait partie des critères immédiatement perceptibles sur le point de vente. Souvent, le professionnel n’hésite pas à prendre en main le produit et en vérifie la bonne tenue lorsque le ruban est tiré.

Nous pouvons ici citer la solution retenue par BMI qui propose avec son Quicky Pro un ruban cambré en sens inverse – les bords sont en appui contre le support à mesurer – ce qui permet à l’utilisateur de se servir du ruban comme d’un réglet. Ceci est possible posé au sol comme sur une paroi, ce mètre très léger sans boîtier extérieur ne venant pas déformer le ruban lorsqu’il est appliqué sur un mur.


Le ruban gagne en largeur

La largeur est aussi particulièrement importante, ce qui explique une tendance croissante en faveur de grandes dimensions. Evidemment, la largeur va dépendre de la longueur du ruban. Inutile de jouer la carte de l’épaisseur si le professionnel n’a pas besoin d’une longueur de plus de 1,50 m ou s’il appuie sa mesure sur le sol.

Ainsi, dans l’industrie, les largeurs moyennes ne dépassent guère les 13 mm, ce qui va de pair avec les longueurs communément utilisées par ce secteur d’activité. Ce produit sert avant tout à effectuer des mesures de contrôle, sur des longueurs souvent peu importantes (deux ou quatre mètres en moyenne).

Dans le bâtiment, les largeurs atteignent 25 mm en moyenne, sachant que certains fabricants proposent des dimensions supérieures allant jusqu’à 32 mm. Les longueurs utilisées couramment sont il est vrai de cinq et huit mètres. Elles varient bien entendu là encore en fonction des professions, le menuisier se limitant à des longueurs inférieures à cinq mètres alors que le charpentier optera pour dix mètres.

Des accessoires distinctifs

Les mesures milieu et haut de gamme intègrent par ailleurs des accessoires destinés à faciliter l’usage du produit en fonction des différents métiers : agrafe pour la ceinture, étui-porte ceinture, crochet aimanté... Le ruban peut être également imprimé sur ses deux faces de façon à permettre la lecture directe, via une petite fenêtre, présente sur le boitier. A noter que dans le bâtiment, le professionnel a tendance à porter sa mesure à la ceinture (le boîtier est de taille souvent plus importante compte tenu de la longueur de la mesure), alors que dans l’industrie, il le glisse dans la poche et recherche donc plutôt la compacité.

En revanche, les mesures à lecture digitale ne semblent plus prisées. Ces dernières semblent concurrencées par les télémètres laser, comme d’ailleurs les mesures longues.

Susciter l’achat d’impulsion

Au final, certains se poseront peut être la question de l’intérêt d’acquérir une mesure haut de gamme à quinze ou vingt euros, lorsque cette dernière risque de terminer quelques semaines plus tard dans un bac à ciment au même titre qu’une mesure à 4 ou 5 euros... La durée de vie moyenne de la mesure d’un maçon n’excèderait pas le mois ! Les spécialistes objectent que la mesure d’entrée de gamme n’aurait pas duré plus de quelques jours, avec un mécanisme grippé et mangé par le ciment. Surtout, les professionnels, qui en ont un usage quotidien, sont visiblement attachés à la fiabilité et au confort d’utilisation de leur équipement.

Au delà de la marge générée, ces produits haut de gamme sont donc pour le distributeur une assurance de la satisfaction de leur client. D’où l’intérêt de présenter les mesures sur le comptoir pour provoquer l’achat d’impulsion dans un contexte de renouvellement permanent. En effet, il n’est pas question pour le professionnel de manquer de mesure.

Agnès Richard