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janvier 2012

Les scies égoïnes

La scie égoïne garde son mordant

Indispensable sur le chantier, la scie égoïne a su évoluer au fil des ans pour gagner en performance de coupe et en confort d’utilisation, ce qui lui permet toujours de séduire l’utilisateur professionnel. Elle se développe d’autant mieux qu’elle a su également s’adapter aux nouveaux matériaux présents sur le marché du bâtiment.

Aussi traditionnelle soit-elle, la scie égoïne a toujours sa place dans la boîte à outils des professionnels, ce qui permet à ce marché de profiter d’un renouvellement permanent.

Il faut bien reconnaître qu’au fil des ans, cette scie à main a su apporter à ses utilisateurs de nombreuses améliorations, concernant tant sa performance de coupe que sa prise en main. Elle a également su faire face à l’apparition des nouveaux matériaux dans l’univers du bâtiment (bois agglomérés, PVC, plaques de plâtre...) même si 80% de ses applications concernent encore le bois. Considérée comme un outil de chantier, plus que comme un équipement d’atelier, elle demeure la scie la plus répandue du marché lorsqu’il s’agit d’effectuer une coupe droite, pour débiter, tronçonner... Rappelons que pour couper le bois, il existe également d’autres types de scie à main, comme la scie à bûche, la scie de jardin, la scie à denture japonaise, etc. mais dont les formes et la nature du travail effectué diffèrent de la scie égoïne.

Prise en main

A l’origine, la scie égoïne se composait d’une lame d’acier garnie de dents triangulaires affûtées et d’une poignée en bois ou en plastique. Outil de prédilection du charpentier ou du menuisier, elle se déclinait globalement en deux types de denture : une grosse denture à angle droit pour les coupes de débit et une denture dite couchée, pénétrant de façon moins agressive le bois, pour les coupes plus précises.

En 2011, la poignée en plastique dur ou en bois a pratiquement disparu des circuits professionnels, restant confinée à quelques produits d’entrée de gamme. La poignée bi-matière (ABS et élastomère), plus confortable à l’utilisation (antidérapante) est devenue un standard du marché. En montant en gamme, elle devient même parfois tri-matière avec l’adjonction de l’aluminium pour gagner encore en facilité de prise en main et atténuer l’effet des vibrations. Sa forme peut jouer par ailleurs la carte de l’ergonomie, cruciale dans la lutte contre les TMS (troubles musculo-squelettiques), la poignée devenant asymétrique et donc spécifique selon que l’utilisateur est gaucher ou droitier. Ces différentes poignées sont plutôt vissées dans l’entrée et le milieu de gamme, et sont parfois soudées à l’ultrason pour gagner en résistance lorsque la scie grimpe dans un positionnement supérieur.

Généralisation du triple biseau

Quant à la lame, elle est de plus en plus souvent munie d’une denture triple biseau. Ce type de denture, lancé sur le marché français par Stanley avec sa denture Jet Cut dans le milieu des années 90, s’est depuis généralisé au point de devenir la denture universelle moderne des scies égoïnes. La denture dispose alors de trois angles de coupe : les deux angles habituels de chaque côté de la dent et un troisième angle positionné sur le haut de la dent. Ce troisième couteau permet de préparer le trait de scie pour gagner en rapidité et en précision.

Aujourd’hui donc, pour résumer, le cœur de marché de la scie égoïne vendue dans la distribution aux professionnels est constitué par un produit doté d’une poignée bi-matière, d’une denture triple biseau et d’une longueur de lame de 450 à 550 mm pour une épaisseur de 0,75 à 0,80 mm d’épaisseur. Néanmoins, le standard du marché professionnel tend de plus en plus à s’orienter vers des épaisseurs d’un millimètre. La lame obtient alors une plus grande rigidité qui accroît sa stabilité et donc sa précision.

Si l’avènement de la denture triple biseau a simplifié le choix des professionnels, leur évitant de se poser constamment la question de la nature du travail à effectuer (débit ou finition), la denture présente toutefois des caractéristiques différentes selon son pas. Il est principalement de sept dents au pouce (TPI de 7), convenant plutôt à une coupe de débit, ou de onze dents au pouce pour une coupe de précision. Cet écartement diffère selon les applications, dès qu’il s’agit de matériaux autres que le bois : TPI de 1,2 par exemple pour le béton cellulaire...

D’ailleurs pour mieux répondre aux besoins spécifiques des matériaux, la scie égoïne a adopté des dentures elles aussi spécifiques : denture dotée d’encoche pour mieux évacuer la poussière pour la plaque de plâtre, ou la colle et la sciure pour le parquet, denture équipée de pastilles de carbure de tungstène pour le béton cellulaire, denture ondulée pour les matériaux isolants... Les scies spécifiques représentent environ 20% des ventes. Les lames pour plaque de plâtre figurent en première position dans cette catégorie, suivies par celles dédiées au parquet.

Des lames bien trempées

Au-delà de sa denture, la lame elle-même a subi diverses évolutions au fil des ans, favorisant également l’adaptation de la scie égoïne à la découpe de matériaux plus durs ou plus abrasifs que le bois, comme les agglomérés ou le parquet stratifié. Depuis une quinzaine d’années, les lames sont en acier trempé et ont donc gagné en résistance. Si traditionnellement, elles étaient vernies pour éviter un vieillissement prématuré dû à la rouille, elles peuvent également bénéficier de revêtements anti-friction, type PTFE, pour améliorer la glisse et donc la qualité de coupe, ou de traitements destinés à allonger encore leur durée de vie. D’ailleurs, ces lames revêtues se distinguent bien dans les linéaires en arborant parfois une couleur distinctive qui contribue à renforcer leur positionnement premium.

Les traitements dont profite aujourd’hui la lame de scie égoïne ont également permis de renvoyer aux oubliettes la nécessité d’affûtage. La plupart des scies égoïnes présentes sur le marché dispensent l’utilisateur de cette tâche.

Polyvalence et confort d’utilisation

Ces dernières années, les innovations introduites sur ce marché, liées d’ailleurs à la multiplicité des matériaux, ont été effectuées dans un souci de simplifier la tâche de l’utilisateur.

En 2008, Bahco a lancé son système BHS, suivi un an après dans cette démarche par Stanley (FatMax Xtrem). Si ce concept de lames interchangeables doit encore trouver sa place sur le marché, son objectif est de permettre à l’utilisateur de pouvoir disposer de plusieurs lames aux caractéristiques différentes (jusqu’à sept lames différentes chez Bahco) à partir de la même poignée. Le constat est simple : la scie est un consommable et avec la montée en gamme des poignées, certains professionnels regrettent de jeter l’ensemble de la scie alors que la poignée n’est pas usée. Dans une approche plus économique et plus responsable sur le plan environnemental, il peut donc renouveler uniquement sa lame. Le changement de lame s’effectue rapidement par simple clipsage sur la poignée. Ce système lui permet aussi de ne pas aller sur le chantier avec différentes scies ou, pire, de risquer de manquer de l’outil adéquat par défaut de prévoyance. Les différentes lames se glissent dans la boîte-à-outils, protégées par un fourreau en Kevlar, et ce d’autant plus aisément qu’une scie complète de 500 mm ne peut, elle, s’y glisser. Si ce concept a dû trouver son bon positionnement prix, de façon à être en cohérence avec sa promesse économique, il est aujourd’hui jugé rentable pour son acquéreur au bout de deux ou trois lames. Globalement d’ailleurs, le professionnel achète en moyenne deux à trois lames différentes.


La scie Evo, lancée par Irwin en 2010 et déclinée aujourd’hui en deux longueurs, joue elle aussi la carte de la polyvalence bois-PVC mais en adoptant une approche tout autre. Bien identifiable en linéaire, elle dispose d’une poignée positionnée dans le prolongement de la lame, de façon à fournir une performance supérieure en termes de vitesse, facilité et qualité de coupe. L’utilisation de la longueur de la lame (contrairement aux autres scies dont seulement 80% de la lame est sollicité) promet de plus une meilleure rentabilité et donc une réduction de l’effort à fournir.

Peu d’entrée de gamme

Aussi mature soit ce marché, les innovations successives apportées à la scie égoïne lui ont permis de ne pas sombrer dans une guerre des prix, du moins dans la distribution aux professionnels, négoces en matériaux essentiellement. Les fabricants présents dans cet univers ne sont, il est vrai, pas nombreux. Cet automne, ce marché s’est concentré un peu plus lorsque PSP Peugeot a annoncé son retrait.

Par ailleurs, la structure des ventes des fabricants laisse entrevoir un poids très nettement en faveur des produits milieu de gamme et haut de gamme : plus de 70% des ventes en volume et donc bien davantage en valeur (environ 80%). Il est vrai que les linéaires professionnels n’accordent guère de place aux produits d’entrée de gamme, contrairement à ceux de la grande surface de bricolage dont le nombre des références peut être deux fois supérieur !

Cette démarche de la distribution aux professionnels semble cohérente avec les attentes de l’utilisateur. Le confort d’utilisation et la performance de coupe ont visiblement su faire la différence aux yeux du professionnel. Et force est de constater que contrairement à d’autres produits, la qualité d’une scie se perçoit rapidement. Si elle sort sans arrêt de son trait de coupe, ne mord pas dans le bois et si sa poignée n’épouse pas bien la main, ses piètres performances n’échapperont pas à l’utilisateur.

Agnès Richard