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janvier 2023

Les tournevis

Une technicité sous-estimée

Quoi de plus simple qu’un tournevis ! Un manche, une lame terminée par une empreinte et le tour est joué. Mais cette caricature correspond à une époque révolue et cet outil intègre aujourd’hui une grande technicité, dans les matériaux utilisés et ses formes de manches, dans ses fonctionnalités comme le cliquet et la dynamométrie, et maintenant dans l’assistance électrique dont la visibilité progresse sur le marché.

Outil employé communément par un très large éventail de professionnels, depuis les artisans du bâtiment jusqu’aux techniciens des chaînes de fabrication en passant par une multitude de métiers d’assemblage et de maintenance, le tournevis né d’une lame à terminaison plate fixée sur un manche en bois n’en finit pas de se réinventer pour s’adapter aux contraintes d’applications qui évoluent continuellement.

Du monobloc au manche avec porte-embout

L’image traditionnelle du tournevis est un outil monobloc constitué d’un manche et d’une lame dont l’extrémité porte une empreinte accordée à celle de la vis qu’il doit entraîner dans des mouvements de serrage et de desserrage. Cette vision unique a vécu et depuis plusieurs décennies maintenant, le tournevis peut revêtir deux autres formes associant soit un manche et une lame amovible, soit un manche, un porte-embout et un embout. Ces trois formes ont chacune leur particularité et sont proposées à des publics qui, selon leur façon de travailler, privilégient tel ou tel outil.

Ainsi, pour schématiser, les professionnels du bâtiment ont tendance à utiliser des jeux de tournevis monoblocs dans leur activité avec en parallèle un recours facile à la visseuse ou à la perceuse visseuse électrique. Leur tournevis est utilisé dans des actions de serrage et de desserrage de vis mais est aussi un instrument pratique pour agrandir une cavité, taper un obstacle pour l’éliminer, ouvrir un sac par déchirement, etc. Autant d’usages rendus possibles par la structure de l’outil mais qui sont également préjudiciables à sa durée de vie – ces mésusages sont à l’origine de la majorité des casses. Dans les milieux qui prêtent une plus grande attention à la destination initiale de l’outil, le tournevis devient plus élaboré et se pare fréquemment d’un porte embout, pratique qui permet de réduire l’encombrement de l’outillage en multipliant à l’envi le nombre d’empreintes disponibles. Autre avantage, les embouts peuvent aussi être utilisés avec un outillage électroportatif.

Au-delà de cette classification bâtiment industrie qui décrit une tendance sous-jacente, ces différentes catégories de tournevis peuvent bien évidemment se retrouver dans tous les milieux professionnels et être mixés dans un même espace en fonction des besoins. Il est bon néanmoins de préciser ici qu’un fabricant spécialiste comme Wera considère le tournevis traditionnel « comme archaïque », pour reprendre les propos de Christian Colombel, directeur commercial France, n’a pratiquement aucune demande sur les manches avec lames amovibles et à l’inverse propose depuis longtemps son modèle Kraftform Kompakt qui désolidarise la lame du manche avec un porte-embout. A l’inverse, un outilleur généraliste comme Beta, le deuxième européen, conserve une large gamme de tournevis monoblocs et des tournevis à lames amovibles. Cette différence de positionnement illustre bien la coexistence de marchés aux besoins différents.

La polyvalence des embouts

Les tournevis avec porte-embout permettent donc, dans un encombrement réduit, de disposer d’une grande variété d’embouts de longueurs et d’empreintes différentes, embouts qui peuvent même être stockés à l’intérieur du manche pour être à disposition immédiate de l’opérateur. L’universalité offerte par les kits du marché explique le succès croissant de cette solution qui ne répond toutefois pas à toutes les configurations. Ainsi, lorsque l’accès est difficile et/ou étroit, un tournevis monobloc avec une longue lame est souvent plus pratique, tout comme parfois un outil de taille réduite type Stubby ou Tom Pouce. Par ailleurs, la tenue de l’embout doit être sûre afin qu’il ne puisse être égaré sur le lieu de travail. Dans les environnements les plus sensibles, notamment engagés dans une démarche FOD (Foreign Object Damage), le porte-embout ne doit pas être un élément avec un simple aimant mais offrir une sécurité irréprochable avec un mécanisme qui peut être verrouillable, ou aimanté avec un jonc d’arrêt dont la puissance est parfois réglable.

De par leur conception avec une pièce intermédiaire, les tournevis à porte-embout ont aussi quelques limites en termes de fonctionnalité. Si l’on a évoqué plus haut des usages détournés des tournevis, il n’en reste pas moins que certains outils sont construits pour supporter des efforts sortant du cadre strict du serrage, et en premier lieu les tournevis burin, généralement dotés d’une lame traversante. Cette fonction était exclue pour les tournevis à porte-embout jusqu’à la sortie cet automne de tournevis Kompakt Kraftform 900 de Wera qui marie les trois fonctions de tournevis classique, de tournevis à frapper (ou à chocs) et de tournevis burin. Cet usage en burin a en effet longtemps été impossible à réaliser, jusqu’à la conception récente d’un embout spécifique d’une grande rigidité en acier spécialement trempé qui donne toute satisfaction et ne casse pas sous les chocs. Dans ce tournevis Wera, le mode à frapper peut être activé par un système de bague. Quand il est en place, un coup sur la surface de frappe entraîne par une double hélice insérée dans le manche un mouvement de rotation de l’embout qui, allié au choc, permet de décoincer les vis bloquées, par exemple celles des freins à disque qui ont chauffé et se sont déformées. Si le mécanisme est débrayé, l’outil peut être utilisé comme un tournevis burin sans risque de casse ou un tournevis standard. Cette innovation a demandé huit années de développement à la société allemande.

La solution de la lame amovible

Les tournevis avec lame amovible permettent également de réduire la charge des outils transportés en insérant des lames directement dans le manche, souvent des lames à double empreinte pour réduire encore le poids transporté. C’est une solution intéressante sous ce rapport mais, se situant à mi-chemin entre le tournevis monobloc et le tournevis avec porte-embout, elle a du mal à s’imposer quand l’opérateur peut déjà alterner à sa guise des embouts d’usage courant qui peuvent être utilisés sur des outillages électroportatifs et des tournevis traditionnels avec lame fixe. Ce marché existe mais ne semble pas être le marché d’avenir en France, même s’il est très important dans certaines parties du globe, en Asie notamment.

Un peu de métallurgie

Les tournevis monoblocs traditionnels sont bien connus de tous et vont continuer à être vendus en grand nombre pour leur facilité d’usage et leur coût réduit. Ils vont nous permettre d’aborder rapidement deux points techniques constitutifs du tournevis que sont la lame et le manche.

La lame (ou l’embout le cas échéant) est conçue dans un acier qui doit marier dureté et élasticité. Elle doit être suffisamment solide pour résister aux contraintes de couple et aux chocs qui lui sont appliqués, et dans le même temps être suffisamment flexible pour se tordre et éviter de casser sous l’effort, ce qui peut toujours être dangereux. Afin d’atteindre cette qualité, les métallurgistes ont conçu des aciers alliés qui répondent à ces caractéristiques, comme l’acier au chrome vanadium pour citer un matériau très répondu. Cela dit, au vu des couples demandés pour le vissage manuel, il est plus important de travailler la géométrie et l’assemblage du tournevis que de rechercher à tout prix une résistance supérieure de la lame.

Pour certains secteurs comme l’agroalimentaire ou le pharmaceutique, il existe des lames en acier inoxydable, en fait un cœur en acier et revêtement inoxydable pour conférer de la force à la lame. Certains alliages spéciaux (cuivre béryllium et aluminium bronze) et le titane sont quant à eux adaptés à la fabrication de lames d’outils anti-déflagrants à utiliser dans les milieux Atex (Atmosphères Explosibles). 

La pointe et son empreinte

Cette lame est dotée d’une pointe qui doit être adaptée aux empreintes de vis présentes sur le marché, donc un tournevis monobloc par empreinte ou un embout par empreinte, second cas beaucoup moins...

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