Les tarauds
Un outil crucial pour les assemblages
Le taraud, dont la fonction est d’usiner des filetages dans des alésages, est un outil de précision qui doit dans le même temps travailler à fort couple pour faire de gros enlèvements de matière. Complètement normé, d’une technicité aboutie, il ne supporte pas la médiocrité et s’inscrit dans un marché où, pour des raisons de sécurité, l’à-peu-près n’a pas sa place.
Dans la production, dans la maintenance et dans certains chantiers du bâtiment faisant appel à des éléments métalliques, l’assemblage des différents composants peut s’effectuer de nombreuses manières différentes. Nous pouvons citer ici le collage, le soudage ou le boulonnage, mais pour cet article, nous évoquerons plus spécifiquement le vissage. Pour cette opération connue de tous, nous avons deux éléments qui s’apparient dont le premier, la vis, est fabriquée de façon industrielle par des sociétés spécialisées en la matière. Par contre, pour la partie femelle, c’est à chaque industriel de prendre en charge cet usinage qui doit être réalisé de façon spécifique pour chaque montage. Cette opération est effectuée à l’aide d’outils de taraudage, au premier titre les bien nommés tarauds, mais pas seulement comme nous le verrons dans le déroulement de cet article.
Perçage préliminaire
Le taraud est un outil qui permet, dans une pièce métallique, d’usiner ou de réparer un filet à l’intérieur d’un trou cylindrique (alésage) de façon à permettre un assemblage sécurisé par l’insertion d’une vis ou d’une tige filetée. Même s’il est très complexe à mettre en place du fait de l’extrême variété des dimensions et des matériaux mis en œuvre, le principe du taraudage est simple à expliquer.
Dans un premier temps, pour former le filet qui accueillera la vis, l’opérateur commence par percer un trou dans lequel sera ensuite introduit l’outil de taraudage. Il utilise à cet effet un foret métal dont le diamètre est légèrement inférieur à la cote finale de l’ancrage car une deuxième phase viendra par la suite dessiner le filet définitif soit par enlèvement de matière, avec une action de découpe du métal, soit par refoulement de matière. Pour les tarauds standards fonctionnant par enlèvement de matière, il faudra par exemple percer à 1,6 mm pour faire un filetage métrique M2 – comprendre de diamètre nominal extérieur de 2 mm –, à 8,5 mm pour faire un filetage M10, à 21 mm pour faire un filetage M24, pour donner quelques valeurs réparties sur une large partie du spectre des dimensions usuelles. Dans cet univers très normé, cette valeur M donne également le pas standard du filet (écart entre deux crêtes du filetage), sachant qu’il est toujours possible d’usiner d’autres pas sur mesure. Ainsi, pour les trois dimensions données ci-dessus, les pas standards sont de 0,4 mm pour le M2, 1,5 mm pour le M10 et 3 mm pour le M24.
La découpe des filets
Après le perçage, le taraud doit donc entrer en action pour usiner le filetage. Nous allons procéder par étapes et d’abord nous intéresser au taraud standard fonctionnant par enlèvement de matière avant de poursuivre sur le taraud à refouler.
Pour usiner les filets ou les retoucher, application occasionnelle visant à restaurer des filets ou les nettoyer de leur encrassement, le taraud procédant par enlèvement de matière est inséré dans le trou de perçage et commence son action qui conjugue descente et coupe de la matière. Fonctionnant avec une vitesse lente qui doit être réglée en fonction des caractéristiques du filetage finale (diamètre du percement, forme et pas), de la nature du métal, le taraud usine les filets sur la paroi de la cavité sur une profondeur donnée. Une fois l’opération achevée, le taraud repart en sens inverse – sens de rotation inversé – et ressort du trou en suivant le filetage nouvellement créé. Pour que cette opération se déroule correctement, l’opérateur doit absolument choisir le taraud et la vitesse de travail qui correspondent exactement à l’application car les couples qui sont développés sont très élevés et un mauvais choix peut facilement déboucher sur un blocage voire une casse de l’outil. Une situation dommageable car au-delà de la perte de l’outil, qui a déjà un coût, c’est toute la ligne de production ou l’opération de maintenance qui est stoppée le temps de retirer l’outil resté en place, avec à la clé un arrêt qui peut dépasser les deux heures.
De multiples géométries
Le choix du taraud doit en premier lieu obéir à la géométrie du filet qui doit être dessiné, ce qui parait assez intuitif, et il y a ici une multitude de possibilités. Les plus communes sont le filetage international M (mesure métrique) avec un angle de filetage de 60°, le filetage unifié américain UN (mesure impériale) avec un angle de filetage de 60° proposé en pas standard UNC, en pas fin UNF et en pas extra-fin UNEF, le filetage britannique GAZ (mesure impériale) avec un angle de filetage de 55°, très utilisé en plomberie et en tuyauterie car il ne demande ni joint ni rondelle joint pour assurer l’étanchéité dans sa version conique R (nécessite un joint avec sa version cylindrique G), et d’autres comme le filetage PG (80°) que l’on rencontre dans encore l’univers électrique, les britanniques BSW et BSF (55°) et BA (47,5°), etc. La liste est très longue, il existe des dizaines de filetages différents et ils répondent tous à des normes précises (ISO internationale, DIN allemande et européenne, BS britannique, AINSI/ASME nord-américaine). Les fabricants tiennent toutes ces déclinaisons en stock, ce qui peut faire monter la gamme à 400 références hors variations de revêtements, tandis que les distributeurs se concentrent pour leur part sur le pas métrique qui constitue chez nous l’essentiel des ventes – c’est l’inverse sur les marchés américains et britanniques. Le BSP G constitue le deuxième système de pas vendu et est assez généralement stocké par la distribution, les grands groupes de distribution ayant pour leur part l’entièreté de la gamme sur leurs plates-formes.
A chaque métal ses caractéristiques
L’opérateur doit également prendre en compte la matière usinée car chaque métal n’a pas le même comportement soumis à une action de taraudage. Les outils peuvent être de compositions différentes pour afficher les duretés et résiliences nécessaires aux usinages de matériaux dont le spectre couvre des aciers qui peuvent être plus ou moins alliés et durcis (jusqu’à 700, 1 000, 1 400 N/mm2), l’inox, le titane et autres matériaux réfractaires, les alliages d’aluminium, les alliages de cuivre, différents types de fontes (fonte frise, fonte malléable, fonte à graphite sphéroïdales). Les tarauds sont majoritairement fabriqués en HSS, notamment pour les jeux à main, en HSSE 5% cobalt et voire plus rarement en HSSE 8% cobalt pour les tarauds machine courants. Pour les applications demandant précision et endurance, pour les taraudages de grandes séries ou dans les matériaux à coefficient d’abrasion élevé, les meilleurs fabricants font appel à la métallurgie des poudres en utilisant des aciers frittés PM au cobalt (ASP). Il est également possible d’utiliser des tarauds carbure mais leur usage reste encore confidentiel, réservé aux matières difficiles.
Ces outils peuvent aussi bénéficier d’un revêtement, traitement de surface qui joue un rôle important dans l’efficacité de coupe en limitant les frictions et les échauffements. Les principaux sont le nitrure de titane TiN de couleur jaune et le carbonitrure de titane TiCN de couleur grise, ce dernier ayant un coefficient de frottement moins haut et offrant une meilleure résistance à l’usure. Il est possible de jouer sur la matière du taraud et son revêtement pour optimiser les performances, certaines marques donnant par exemple la priorité aux revêtements du fait de la relative fragilité des tarauds conçus avec des matériaux très durs. Ajoutons enfin que les marques identifient d’une façon générale la destination matière de leurs tarauds par des cercles de couleur, selon un code propre à chaque faiseur. C’est un usage de la profession et non une norme.
Cinq entrées au choix
Il faut aussi choisir l’entrée du taraud adaptée à la situation, c’est-à-dire la forme du cône placé à l’avant du taraud qui va le premier rentrer en contact avec la périphérie du trou à usiner. Cette entrée normée est identifiée par une lettre qui va de A à E décrivant cinq géométries différentes caractérisées par un cône plus ou moins accentué. Ainsi, l’entrée A est pourvue d’un cône dont l’inclinaison est de seulement 5°, angle qui demande à l’outil de réaliser de 6 à 8 tours dans l’alésage avant de réaliser...