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janvier 2023

Les vis à bois

La technicité monte au filet

Malgré le ralentissement des ventes sur ce deuxième semestre et le manque de visibilité sur l’année à venir, après deux années d’euphorie dans un contexte de difficultés d’approvisionnement, les acteurs du marché de la visserie bois restent confiants. Ils savent qu’ils peuvent s’appuyer sur un matériau bois jugé incontournable pour permettre à la filière de la construction d’atteindre ses objectifs de réduction de son empreinte carbone. De quoi confirmer une évolution de plus en plus marquée vers les vis techniques, accordant la part belle aux marques européennes.

La pénurie de bois, la hausse des prix de l’acier, les difficultés d’approvisionnement de tout ordre pendant la période Covid, qui ont généré nombre d’indisponibilités chez les revendeurs, n’ont pas eu raison du dynamisme des ventes de vis à bois lors des deux dernières années. Néanmoins, l’euphorie, portée par l’engouement pour les marchés de la rénovation et de l’aménagement extérieur, semble bel et bien avoir laissé le pas à un net ralentissement de la demande, particulièrement marqué depuis le début de ce deuxième semestre. Les carnets de commandes des artisans, confrontés notamment à une baisse des projets immobiliers, se réduisent peu à peu, pour revenir à un niveau similaire à celui de 2019, dans un climat toutefois teinté d’incertitudes et d’absence de visibilité sur les mois à venir.

Pourtant, aujourd’hui, chez les fabricants, les stocks sont bien reconstitués, non sans mal d’ailleurs, après la demande forte de 2020 et 2021, et des délais de réapprovisionnements longs, sans doute amplifiés par l’entrée en vigueur de la taxe-antidumping sur les produits de visserie et de boulonnerie en provenance de Chine. Activée en 2009, supprimée en 2016 et faisant son retour en février 2022, cette taxe n’a visiblement pas généré de bouleversements majeurs sur le marché. Sauf que les importateurs, ayant anticipé sa mise en place, ont transféré leurs achats sur d’autres contrées, en particulier Taïwan, le Vietnam et la Malaisie, dont les usines se sont retrouvées sous tension, avec un afflux de volumétrie qu’elles ont dû absorber. 

En valeur, cette activité est probablement en hausse, traduisant avant tout les effets de l’inflation. « Nous observons aussi des changements de comportements d’achat de la part des professionnels. Avant, quand ils avaient besoin d’une boîte de vis, ils venaient en chercher deux. Aujourd’hui, ils n’en achètent qu’une. Les tarifs étant élevés en ce moment, iIs ne veulent pas prendre le risque de devoir revendre la deuxième boîte achetée à un prix élevé au prix du marché en cas de baisse des prix »  constate Thierry Constant, directeur commercial France du fabricant allemand Heco Schrauben.

La promesse reste là

Voilà pour la tendance actuelle. Reste que sur le fond, le marché de la visserie bois est placé sous de bons auspices. Stimulé par la réglementation environnementale RE2020, qui vise à réduire l’empreinte carbone des bâtiments et des chantiers à travers notamment un recours accru au bois, le matériau bois devrait atteindre entre 20 et 30% de part de marché de la construction à l’horizon 2030. Les initiatives actuelles témoignent de ce coup d’accélérateur, à l’instar des immeubles en bois de grande hauteur, dont tout récemment le chantier d’une tour de 53 mètres de haut en structure bois, à Lyon, à la Confluence, et bien entendu des Jeux Olympiques de Paris 2024, considérés comme une vitrine de cette stratégie.

Si le marché de la construction bois est loin d’avoir livré, en France, tout son potentiel, celui de l’isolation thermique par l’extérieur (ITE) en rénovation est une autre donnée intéressante, à commencer par l’isolation des toits par l’extérieur dite sarking. Proche, mais distinct du marché de la construction bois, celui du bardage, ce revêtement habillant les murs extérieurs tout en les protégeant de l’humidité et des infiltrations et qui constitue une solution esthétique permettant d’intégrer une isolation par l’extérieur en toute discrétion participe, lui aussi, au développement des volumes de vis à bois. De façon générale, dans un contexte de ralentissement de la construction neuve, le marché de la rénovation, particulièrement gourmand de ce type de produits, est tout aussi prometteur, qu’il s’agisse d’extensions ou de renforcements de structures. Et la couverture, dès qu’il s’agit de bacs acier, fait elle aussi intervenir des vis à bois, munie d’une pointe qui va percer la tôle et d’un filet qui permet la pénétration et la fixation dans le bois.

Quant à la vitalité de la famille des aménagements extérieurs, elle passe en grande partie par la fixation des lames de bois des terrasses, même si les projets actuels sont en retrait. « L’aménagement extérieur va de plus en plus faire appel à de la ressource renouvelable européenne au détriment des bois exotiques. Les bois européens, comme le mélèze, de très bonne qualité, mais sans doute un peu plus tendres, vont exiger un renouvellement plus rapide des installations. Le marché de la vis inox de terrasse va donc encore progresser » explique Frédéric Lahousse, directeur commercial de Scell-it. La montée des prix de l’acier a même favorisé l’émergence de la vis inox comme une référence dans des applications où elle n’avait pas toujours obligatoirement droit de cité auparavant. « L’écart entre l’inox et l’acier s’est réduit. L’inox est devenu un marché très important. Il sera difficile de revenir en arrière pour des applications qui, auparavant, n’en exigeaient pas » confirme François Muller, directeur grands comptes du fabricant allemand Reisser. 

Pour finir, des applications tournées auparavant vers la clouterie ou la boulonnerie, en charpente par exemple, sont de plus en acquises à la visserie, qui profite à la fois de la montée en performance des machines – visseuses et perceuses –tout en présentant des atouts de résistance à l’arrachement inégalables. 

Les acteurs du marché évoluent

D’ailleurs, les perspectives du marché de la visserie bois sont jugées tellement attrayantes que le nombre de ses intervenants est toujours plus important. Et ce phénomène s'est amplifié récemment quand certains fabricants d’Europe de l’Est, privés du marché russe, se sont tournés vers l’Europe occidentale, avec parfois des offres très agressives.

Avant tout, la vis bois s’inscrit de plus en plus dans la stratégie de croissance d’acteurs dont ce n’est pas le métier à l’origine. Scell-it, reconnu dans l’univers de la fixation métallique avec le rivet ou le scellement chimique, s’est ainsi introduit en 2020 sur ce marché, en s’appuyant sur un partenaire, le fabricant suédois Essve. « Nous sommes convaincus que la filière bois a un avenir très prometteur en Europe. Nous aurions pu y aller tout seul, mais nous avons fait le choix d’être immédiatement opérationnel, crédible, avec une gamme éprouvée » souligne Frédéric Lahousse. « Nous voulons nous positionner sur le marché premium et technique, être capable de répondre aux sollicitations de bureaux d’étude. Cela ne s’improvise pas. C’est un métier de spécialiste. » Cette arrivée précède de peu l’extension de l’offre de vis à bois de Simpson Strong Tie, leader du marché des connecteurs et sabots de charpente. Quelques années plus tôt, un autre leader de la fixation, l’Allemand Fischer, s’était lui aussi lancé dans cet univers et a su tirer son épingle du jeu en se développant dans l’univers de la visserie bois technique.

Des spécialistes européens

Dans l’univers professionnel, ce métier de spécialiste est d’ailleurs dominé par des marques bien établies, notamment des Européens. En France, dans un secteur où les acteurs de la vente directe ont un poids plus que certain, les ventes qui passent par la distribution sont dominées par le Français Vynex, avec sa vis Rocket, et l’Allemand Spax, dont la notoriété outre-Rhin est telle que son nom est devenu un terme générique pour signifier visser dans la langue de Goethe. 

D’autres spécialistes européens sont bien entendu présents sur ce marché de la visserie bois passant par la distribution, comme les Allemands Heco Schrauben, dont les usines sont situées en Forêt noire, et Reisser, reconnu notamment pour sa vis bois Dribo, mais aussi l’Italien Mustad, avec sa Panelvit, ou encore l’Autrichien Schmid Schrauben Hainfeld en forte croissance sur notre marché. La liste n’est bien entendu pas exhaustive.

A l’instar de Mustad, qui n’hésite pas à valoriser l’origine italienne de ses vis à bois, les fabricants indiquent d’ailleurs que la sensibilisation à la production européenne de leurs produits est de plus en plus forte chez les distributeurs, qui exigent de plus en plus fréquemment d’inclure une dimension RSE dans les contrats. Ainsi Spax, fort de son programme Spax We Care lancé par sa maison mère allemande, vise un bilan carbone neutre à horizon 2025. 

Fidélité aux marques

Selon le baromètre réalisé depuis dix ans par Vynex avec un institut indépendant auprès des charpentiers et des menuisiers sur les chantiers (900 entreprises), la notoriété des marques de vis augmente aussi auprès des professionnels. « Ce qui signifie que la pénétration de ces marques auprès des artisans est plus forte qu’avant. Donc, il y a eu progressivement un choix des professionnels en faveur de vis de meilleure qualité » analyse Marc Besson, directeur commercial et marketing de Vynex. Autre enseignement de ce baromètre, les artisans travaillent généralement avec deux marques, Würth, ténor de la vente directe, et probablement une marque commercialisée à travers la distribution. « Les charpentiers, aiment bien travailler avec une marque qu’ils connaissent à partir du moment où elle donne satisfaction. » Un constat partagé par toutes les intervenants, cette fidélité forte à la vis qui leur donne satisfaction offrant un challenge supplémentaire à relever pour les uns et les autres qui doivent faire accepter à l’artisan de tester un autre produit que celui dont ils ont l’habitude.

Il faut dire que la vis à bois, utilisée dans la réalisation d’innombrables types d’aménagements, forme une famille de produits large et profonde lui permettant aussi d’être mise en oeuvre pour réaliser des assemblages métal sur bois, voire même pour la fixation de connecteurs et autres sabots de charpente. Compte tenu des exigences accrues liées aux tendances actuelles, le marché professionnel a glissé vers la vis technique qui se développe de plus en plus, avec des géométries et des caractéristiques propres, selon les marques, qui font aussi leur différence sur le marché et donc le creuset d’habitudes pour le professionnel.

La vis technique en plein essor

Les vis classiques sont utilisées pour tous types d’assemblages et fixations courantes ne nécessitant pas des vis d’un niveau de résistance à l’arrachement ou au cisaillement particulièrement élevé. Totalement saturé, le marché des vis à bois classiques standard met en lice de multiples acteurs, européens et asiatiques qui réalisent des volumes de vente élevés avec des vis de faible coût unitaire. Certaines, plus qualitatives que d’autres, possèdent des caractéristiques liées à la qualité de leur acier, à la géométrie de leur filet, à leurs traitements et revêtements, leur permettant d’être utilisées dans certaines essences de bois sans se limiter aux agglomérés et autres bois reconstitués. « Lorsque l’un de nos distributeurs vend une vis à bois à un utilisateur, il ne peut pas savoir quelle application il en fera. Les vis à bois sont utilisées sur des matériaux très différents et de manières très différentes selon les applications. La vis universelle permet à l’utilisateur d’effectuer le plus large éventail possible d’activités sans être obligé d’augmenter son stock » souligne-t-on chez Mustad. Les vis techniques, dont les gammes sont souvent, comme on l’a vu, de fabrication européenne, sont quant à elles des produits...

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