Sioen
La fibre féminine
La société belge Sioen, basée à Ardooie, en Flandre, a toujours porté une attention particulière à ce que les femmes soient considérées à leur juste valeur dans l’entreprise, en interne, mais aussi dans les différents secteurs dans lesquelles elles travaillent. A travers sa marque Synq, elle propose des collections de vêtements de travail déclinées pour la morphologie féminine. Selon Laurinda Ferreira, directrice commerciale France, c’est un gage de sécurité, de confort et de crédibilité, notamment sur les univers techniques.
BBI : Le groupe belge Sioen Industries, dont la division Sioen Apparel propose à travers sa marque workwear Synq des vêtements de travail adaptés aux besoins des professionnelles, a toujours finalement porté un regard féminin sur le marché ?
Laurinda Ferreira, directrice commerciale de Sioen France : Nombre de personnes sur le marché du vêtement de travail se souviennent en effet de Jacqueline Sioen, cofondatrice avec son mari Jean-Jacques, de Sioen Industries, en 1960. Elle était connue pour son franc parler, sa détermination, son esprit innovant, avec cette touche féminine qui fait que ça passe bien. Mme Sioen était un véritable entrepreneur, ce qui n’était pas toujours facile pour une femme dans les années 1960. Avec son mari, elle a formé un tandem idéal. Lui était ingénieur chimiste. Si Sioen était spécialisé dans le tissage de textiles depuis 1907, il a développé une activité de fabrication de textiles enduits, souvent utilisés dans des applications nécessitant une résistance aux intempéries, comme les bâches pour camions, les auvents, les tentes, les voiles de bateaux, les revêtements de piscine, les combinaisons de plongée, les air-bags, etc. Cela a permis à l’entreprise de devenir un leader mondial des textiles techniques.
Jacqueline Sioen, elle, a eu l’idée de lancer un atelier de confection pour produire, à partir de tissus enduits, des vêtements de protection contre la pluie, d’abord pour les pêcheurs et les agriculteurs. C’était les premiers pas des lignes EPI. Ensuite, l’entreprise s’est développée dans des univers beaucoup plus spécifiques, comme l’industrie chimique, les protections multirisques, ainsi qu’à travers une politique de croissance externe, comme l’acquisition en France d’un atelier de fabrication de combinaisons de pompiers.
BBI : C’est aujourd’hui Michèle Sioen, l’ainée de leurs trois filles des fondateurs, qui a repris les rênes de l’entreprise familiale ?
L. F. : Michèle Sioen dirige la société depuis 2005. Elle est également reconnue pour sa vision d’entreprise. Elle a été aussi la première femme présidente de la Fédération des Entreprises de Belgique, de 2014 à 2017. Et en 2018, elle a été élue Manager de l’Année par le magazine Trends.
BBI : Comment se traduit cette empreinte féminine dans l’entreprise ?
L. F. : Sioen a toujours été animé par cet état d’esprit de mettre les femmes en avant, y compris en interne. Si je suis la seule femme à la direction commerciale d’un pays, il n’y a aucun a priori. Les compétences sont avant tout regardées et personne ne se dit que si une femme a des enfants, elle sera moins disponible que les hommes.
BBI : La division Sioen Apparel, dédiée au vêtement de protection, représente 35% du CA du groupe. Vous développez depuis longtemps des vêtements de travail pour femmes ?
L. F. : Très tôt, Sioen a développé des vêtements multirisques adaptés à la morphologie féminine, sur les produits standards en catalogue, comme sur les dossiers spécifiques. La gamme multirisque est notamment l’un des points forts de Sioen, qui se positionne sur la technicité de ses produits, avec notamment ses propres laboratoires de test et ses propres usines. Nous sommes très novateurs dans tout ce qui est multirisque, avec toujours ce gage de qualité et de produits robustes et durables. Et systématiquement, dans toutes nos gammes, nous proposons des coupes féminines. Nous avons même des clients qui nous demandent des pantalons de grossesse. Ce sont souvent des dossiers spécifiques. Nous avons également développé dans notre gamme pour les pompiers des brassières pour les femmes.
BBI : Synq, la nouvelle marque lancée sur le salon A+A en 2023, dédiée plus particulièrement au workwear, lance en 2025 sur ses trois collections des vêtements adaptés à la morphologie féminine ?
L. F. : Ces vêtements, présentés en novembre 2024 sur le salon Expoprotection, bénéficient d’une coupe féminine étudiée, grâce à des ajustements judicieux des patrons, à l’utilisation stratégique de tissus à certains endroits et à des couleurs contrastées, à la révision de la taille et de l’emplacement de certaines poches... Ils sont parfaitement adaptés aux besoins et souhaits des professionnelles, tout en offrant la même protection, le même confort et la même identité que les vêtements de travail pour les hommes. Il ne faut pas oublier que même dans des milieux encore très masculins, comme les univers où les risques sont multiples, des femmes sont également présentes… Sur une plate-forme off-shore, une femme peut manager des hommes et doit donc être équipée d’une tenue retardatrice de flamme, etc., mais coupée à sa morphologie. De même, dans le bâtiment, on voit plus de plus en plus de femmes qui deviennent auto-entrepreneurs ou artisans. Certes quand on regarde les chiffres, ce ne sont pas de grosses consommations. Mais ce n’est pas pour autant qu’on les écarte. Les gammes féminines sont de toute façon, avec les produits responsables, les deux axes de développement de Sioen. Au sein de la marque Synq, les vêtements adaptés à la morphologie féminine représentent environ 40 à 50% de l’offre.
BBI : La volonté des entreprises d’équiper les femmes de vêtements de travail adaptés évolue-t-elle ?
L. F. : Les grandes entreprises en ont bien pris conscience. Donc, les magasins proposent de plus en plus de gammes féminines. Il ne suffit pas de présenter un pantalon en XS ou taille 36 pour dire qu’on a des modèles pour les femmes !
C’est important, parce qu’un vêtement de protection trop grand, mal ajusté représente un risque, par un manque de confort, de bien-être. Un vêtement bien coupé, qui n’est pas subi, est aussi l’assurance de son port au quotidien. Par ailleurs, lorsque les femmes portent des vêtements qui ne sont pas adaptés, elles perdent en crédibilité, notamment celles qui exercent des responsabilités. Je me souviens d’un interlocuteur qui m’avait dit que certaines professionnelles étaient habillées comme des sacs ! Cette observation m’a marquée. Ce n’est déjà pas forcément facile pour une femme d’avoir sa place et d’être reconnue comme légitime dans les univers très techniques. La qualité de son vêtement de travail ne peut donc que l’aider à avoir confiance en elle et donner à son discours toute la crédibilité qu’il mérite.
BBI : Vos équipes sur le terrain relaient-elles cette approche ?
L. F. : Avec la nouvelle collection de la marque Synq, nous avons fait toute une campagne de communication valorisant des hommes et des femmes équipés de la même manière, même dans les produits les plus techniques. Sur le salon Expoprotection, au moment du lancement de la gamme féminine, notre équipe avait d’ailleurs fait un post en mettant en avant que chez Sioen, la présidente du groupe et la directrice commerciale France étaient des femmes !
BBI : Les gammes féminines sont-elles pour Sioen une clé d’entrée sur le marché ?
L. F. : Clairement, oui, notamment sur les vêtements techniques comme le multirisque. De nombreux clients viennent vers nous, après avoir passé beaucoup de temps à chercher comment équiper leurs salariées. Donc, cela peut être l’une des raisons de choisir notre marque.
Propos recueillis par Agnès Richard